MÉMOIRES NUMÉRIQUES
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Une mémoire numérique est un dispositif permettant d'enregistrer et de conserver de manière fiable des informations binaires pour pouvoir les relire ultérieurement. Elle fait intervenir, quelle que soit la technologie employée pour conserver l'information, trois éléments fonctionnels : un support physique pouvant conserver l'information, un moyen d'enregistrement (l'écriture) et un moyen de restitution (la lecture).
Au même titre que le processeur ou les interfaces d'entrée/sortie, la mémoire numérique est un composant essentiel de tout système informatique. Parce qu'elle est polyvalente et qu'elle existe sous de nombreuses formes, elle est omniprésente dans notre vie quotidienne, depuis la carte de téléphone permettant de stocker 256 bits d'information jusqu'au superordinateur pouvant en conserver plusieurs téra-octets, en passant par le téléphone mobile, la télévision haute définition ou l'ordinateur de bureau. Les progrès technologiques effectués depuis les années 1960 ont permis de passer d'un monde « analogique », où la voix et l'image sont des signaux physiques évoluant continûment dans le temps, à un monde « numérique », où ces mêmes signaux sont convertis en échantillons binaires discrets inaltérables.
Un système informatique réel n'est pas composé d'une mais de plusieurs mémoires de types différents. Celles-ci sont judicieusement agencées sous la forme d'une hiérarchie mémoire, dont la principale fonction est d'être un compromis efficace entre les performances attendues du système et son coût. Chaque type de mémoire de cette hiérarchie possède des caractéristiques précises de vitesse et de capacité qui sont exploitées au mieux par le processeur. Le principe de cette hiérarchie est simple : plus la mémoire est physiquement proche du processeur, plus elle est rapide, mais plus sa capacité est faible et son coût élevé. Comme la fréquence de fonctionnement des processeurs évolue bien plus rapidement que celles des mémoires, les principes qui sous-tendent cette hiérarchie sont constamment revus et corrigés. Chaque nouvelle génération de processeur profite des dernières avancées technologiques et cela se répercute sur toutes les mémoires du système.
Histoire des mémoires
L' histoire des mémoires numériques a toujours été animée par la poursuite de trois objectifs contradictoires : une capacité toujours plus grande dans un volume toujours plus petit, un temps d'accès toujours plus court, et un coût de production et d'utilisation toujours plus faible. Pour atteindre ces objectifs, l'inventivité des ingénieurs a favorisé le développement de technologies variées fondées sur les propriétés physiques (mécanique, électrique, magnétique, optique) de la matière. Les mémoires numériques sont toujours à la pointe du progrès technologique et servent d'étalon pour la production des autres composants électroniques.
La Pascaline, le calculateur mis au point en 1642 par Blaise Pascal, marque traditionnellement le début de l'histoire des mémoires numériques. Ancêtre de la calculatrice, la Pascaline mémorise les informations nécessaires au calcul effectué dans des engrenages, dont les positions indiquent des valeurs décimales. Ce principe a été utilisé jusqu'à la fin du xxe siècle dans les compteurs kilométriques des automobiles, remplacé depuis par un afficheur numérique. La boîte à musique est un autre exemple de mémoire mécanique permettant de jouer un air musical programmé sur un tambour rotatif.
Dès 1725, Basile Bouchon et Jean-Baptiste Falcon définissent les premiers systèmes de commande de machine à tisser. Afin d'obtenir des étoffes avec des motifs tissés et non peints, les instructions nécessaires à l'élaboration de ces motifs sont stockées sur des rubans perforés. Ce principe est ensuite repris et amélioré par Joseph-Marie Jacquard en 1800 pour ses métiers à tisser programmables. Pour permettre un dépouillement plus rapide du recensement de 1890 aux États-Unis, l'Américain Hermann Hollerith invente la carte perforée, qui sera utilisée par tous les systèmes mécanographiques au début du xxe siècle.
En 1906, les progrès effectués dans la compréhension des propriétés ferroélectriques de la matière permettent de mettre au point la lampe triode qui sert à réaliser la première mémoire électrique (1912) et le premier compteur à tubes (1932). Le tube est en fait un registre à décalage contenant un fil métallique, un tube de mercure et plusieurs condensateurs. Ce sont 18 000 de ces mêmes tubes que l'on retrouve dans le premier ordinateur habituellement reconnu, l'Eniac (electronic numerical integrator and computer), inauguré en 1946.
En 1947, John Bardeen, Walter H. Brattain et William Shockley inventent le transistor, qui révolutionne la manière de représenter et de stocker l'information binaire, en permettant pour la première fois de répondre simultanément aux trois objectifs recherchés (capacité et vitesse accrues pour un faible coût). Toutes les mémoires à semi-conducteurs utilisées aujourd'hui reposent sur une exploitation optimale du transistor.
Parallèlement, Jay Forrester expérimente les mémoires à tores de ferrite (1950), où ce sont les propriétés ferromagnétiques des matériaux qui sont cette fois exploitées pour mémoriser une information binaire. Les tores magnétiques sont magnétisables en quelques microsecondes et conservent indéfiniment l'information selon le principe de l'aimantation rémanente. Les mémoires à tores ont ainsi permis d'augmenter la capacité et la vitesse des mémoires, mais leur réalisation reste encore très délicate pour des raisons de précision dans la fabrication des anneaux de ferrite et de parasitage entre tores.
C'est aussi à cette époque que des chercheurs de Minneapolis construisent la première unité de stockage à tambour magnétique. Celle-ci contient un million de bits de données et l'accès à l'un de ces bits demande 5 millisecondes. En 1956, I.B.M. propose le premier dispositif pratique de stockage pour ordinateur, le RAMAC (random access method of accounting and control), doté d'une mémoire de 5 méga-octets et comprenant 50 disques magnétiques de 60 centimètres de diamètre. C'est ce principe qui est à l'origine des disques durs tels que nous les connaissons aujourd'hui.
La technologie optique de stockage sur cédérom (ou CD-ROM pour compact disc-read only memory) ou DVD (digital versatile disc) est apparue beaucoup plus tard, dans les années 1980. Elle a été initialement utilisée pour concevoir des supports pratiques pour les données audionumériques, les cédéroms audio. En 1986, les premiers lecteurs de cédérom pour les données numériques, exploitant le même support optique, apparaissent sur les ordinateurs personnels.
Toutes ces technologies ont évolué au cours du temps. L'histoire de l'informatique, comme toute histoire d'ailleurs, est jalonnée de succès et d'échecs. Certains grands principes comme le transistor ou la mémoire RAM (random access memory, mémoire à accès aléatoire) demeurent aujourd'hui toujours valides. D'autres, qui ont eu leur heure de gloire comme les mémoires ROM (read only memory, mémoire à lecture seule), PROM (programmable ROM, ROM programmable), EPROM (erasable PROM, PROM effaçable), les mémoires à bulle ou les tores de ferrite ont disparu, remplacés par des dispositifs beaucoup plus efficaces.
D'un point de vue économique, les mémoires numériques représentent environ 30 p. 100 du marché mondial des semi-conducteurs : un composant électronique vendu sur trois est une mémoire. Il n'est donc pas étonnant que les mémoires soient un indicateur fiable de l'état de l'art de l'industrie microélectronique et de sa santé financière. Aujourd'hui, le marché des mémoires à semi-conducteurs est dominé par de grandes firmes asiatiques comme Fujitsu, Nec Toshiba, ou Hitachi. Contrairement aux firmes américaines et européennes, celles du Japon et de la Corée du Sud ont opté pour une intégration verticale : les autres départements d'une même compagnie sont eux-mêmes grands consommateurs des mémoires produites, ce qui garantit des volumes de commande constants. Les autres pays du globe sont, quant à eux, tributaires de l'Asie.
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Écrit par
- François PÊCHEUX : professeur, Sorbonne université
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Voir aussi
- PROGRAMME, informatique
- TRANSISTORS & THYRISTORS
- STOCKAGE D'INFORMATIONS
- CONDENSATEUR, électricité
- MÉMOIRES À SEMICONDUCTEURS
- MÉMOIRES MAGNÉTIQUES, informatique
- DRAM (Dynamic RAM)
- SRAM (Static RAM)
- DISQUE DUR, informatique
- MÉMOIRE CACHE, informatique
- MICRO-ORDINATEUR
- INSTRUCTION, informatique
- ADRESSE, informatique
- BINAIRE SYSTÈME
- DISQUE MAGNÉTIQUE
- MAGNÉTIQUE ENREGISTREMENT
- TORE MAGNÉTIQUE
- INFORMATION, informatique et télécommunications
- SUPPORT D'INFORMATION
- LECTURE OPTIQUE
- MOS (Metal Oxide Semiconductor)
- MÉMOIRES À TORES DE FERRITE
- MÉMOIRE FLASH
- CLÉ USB
- CARTE MÈRE, informatique
- MÉMOIRE PRINCIPALE, informatique
- MRAM (Magnetic Random Access Memory)
- HDSS (Holographic desktop storage system)
- DVD (Digital Versatile Disc)
- INTÉGRATION, électronique
- MATÉRIEL, informatique
- MICROPROCESSEUR
- NUMÉRIQUE ENREGISTREMENT
- BUS, informatique
- HOLOGRAMME
- MÉMOIRE VIVE ou RAM (random access memory)
- LECTURE, électronique
- PROCESSEUR, informatique
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- REGISTRE, informatique
- CD-ROM (Compact Disc-Read Only Memory)
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