MÉDIATION, droit

La médiation, et plus généralement les « modes alternatifs de règlement des conflits », souvent désignés sous l'abréviation de M.A.R.C., peuvent se définir comme des processus non juridictionnels de traitement des litiges. Le thème est en faveur. Les colloques, séminaires et articles sur le sujet se multiplient aussi rapidement que les déclarations de certains hauts magistrats ou hommes politiques. L'Université n'est pas en reste puisqu'elle a mis en place plusieurs programmes de doctorat sur le sujet.

Cette nouvelle « justice douce » constitue un sujet d'une extrême richesse, se situant à la confluence de la science du procès, de l'anthropologie juridique, des théories de l'information et de la négociation. C'est une question importante qui pourrait être amenée à transformer en profondeur, non seulement le droit, – et notamment le droit judiciaire, c'est-à-dire la branche du droit relative à la procédure et aux contentieux –, mais plus généralement l'ensemble du tissu social.

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Si la question de la médiation peut être repérée dès le christianisme primitif, elle est également au cœur de l'ultra-modernité : le management, la transparence, la participation, le consensus sont des thèmes consubstantiels aux M.A.R.C.

Les enjeux sont donc considérables, à la fois politiques, économiques, juridiques et culturels. Au-delà du scepticisme de nombreux juristes et de l'optimisme un peu naïf de certains technocrates, il semble urgent de prendre la médiation au sérieux et d'examiner de façon dépassionnée ses tenants et aboutissants, tant d'un point de vue théorique que pratique.

Un phénomène protéiforme

L'idée de la médiation n'est pas une nouveauté. Des méthodes non juridictionnelles de règlement des litiges se retrouvent dans toutes les civilisations. Sous l'influence du confucianisme dans la Chine pré-impériale du iiie siècle avant J.-C, une justice non étatique se développe. En Occident, la médiation trouve son fondement dans la prescription d'amour entre les frères en Christ posée par le Nouveau Testament. La charité et le pardon sont préférés aux châtiments (IIe épître aux Corinthiens, 2, 6-8). La Ire épître aux Corinthiens déplore quant à elle les conflits entre frères et dissuade « d'aller en justice devant les infidèles » (6, 5-6).

Le décret de Gratien dispose dans sa Distinction XC que les évêques ne doivent point aimer les contestations et doivent chercher à accorder ceux qui ont des différends. Très tôt, la lex mercatoria a permis aux commerçants de régler de façon informelle leurs contentieux. Plus tard, le juge de paix, que l'on retrouve à partir du xixe siècle dans de nombreux pays, fait un peu figure de médiateur ou de conciliateur avant l'heure.

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Le concept contemporain de M.A.R.C. recouvre une réalité multiple incluant diverses techniques non contentieuses de règlement des conflits, dont la médiation est sans doute la plus connue.

Définitions

Une bonne définition générale de la médiation est proposée par Michèle Guillaume-Hofnung qui parle d'« un mode de construction et de gestion de la vie sociale, grâce à l'entremise d'un tiers neutre, indépendant, sans autre pouvoir que l'autorité ». Mackie, Miles et March définissent, quant à eux, la médiation commerciale comme « une méthode de résolution des litiges, basée sur un processus structuré, impliquant l'intervention d'une tierce personne, et qui n'aboutit pas à une décision exécutoire imposée aux parties ».

Plusieurs théoriciens de la médiation, comme Jean-François Six, s'efforcent de développer une véritable épistémologie de la notion. Ils distinguent différents types de médiation : la « médiation créatrice » qui a pour but de susciter entre les personnes ou des groupes des liens nouveaux ; la « médiation rénovatrice » qui réactive les liens distendus ; la « médiation préventive » pour éviter l'éclatement d'un conflit ; la « médiation curative » pour aider les parties en conflit à trouver une solution.

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Les M.A.R.C. se distinguent des mécanismes classiques de l'arbitrage commercial qui obéissent à des règles procédurales bien définies et dont les sentences peuvent, sous certaines conditions, revêtir force exécutoire par décision de justice (exequatur). Ils ne doivent pas non plus être confondus avec la simple négociation ou encore avec la transaction, qui est un contrat spécifique prévu par l'article 2044 du Code civil français.

Expansion contemporaine

Pour des raisons à la fois culturelles et économiques (le goût du consensus et du dialogue, l'importance de la négociation et du contractualisme) les M.A.R.C., sous leur forme moderne, se sont d'abord développés dans les pays anglo-saxons où on les désigne par l'expression « Alternative Dispute Resolution » (A.D.R.). Des A.D.R. relatifs aux relations familiales, inter-entreprises ou de consommation, ont été mis en place d'abord aux États-Unis dans les années 1960, puis en Grande-Bretagne à partir des années 1970.

Les programmes pilotes de médiation les plus récents sont généralement étatiques et parajudiciaires. Aujourd'hui la médiation s'institutionnalise. C'est particulièrement vrai dans le cas français.

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Un inventaire non exhaustif des pratiques sociales de médiation permet d'en recenser de multiples formes ; parmi les plus importantes, on citera la médiation familiale et conjugale, la médiation politico-civique (qu'elle soit nationale ou locale), la médiation dans les relations de travail, en matière pénale ou encore dans le secteur public ou para-public. Dans ce dernier cas, outre la figure bien connue du médiateur de la République, instituée en France en 1973, des « micro-médiateurs », ombudsmen de terrain, arbitrent les litiges dans des domaines aussi variés que le cinéma, les assurances, etc.

S'agissant de la conciliation judiciaire, en France, elle s'insère dans un cadre normatif bien précis. Indépendamment de dispositions particulières propres à certaines juridictions ou procédures (ainsi la phase de conciliation devant les tribunaux d'instance ou les conseils de prud'hommes), le nouveau Code de procédure civile fait de la Conciliation la mission naturelle du juge : « Il entre dans la mission du Juge de concilier les parties » (art. 21). Ce texte est resté largement ignoré, tant par les magistrats que par les avocats. Aussi une loi du 8 février 1995 a-t-elle relancé la conciliation et la médiation judiciaire en prévoyant la faculté, pour le juge, de déléguer sa mission de conciliation à un conciliateur de justice.

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  • DROIT ET CITOYENNETÉ AU DÉBUT DU XXIe SIÈCLE

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    ...retrouve aujourd'hui au premier plan dans les réformes intéressant le justiciable. Cette idée tend à faire des justiciables, et non plus du juge, le pivot dans la solution des litiges. Un litige ne sera plus tranché mais une solution sera aménagée, au besoin avec l'aide de tierces personnes médiatrices.

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