MASSIFS ANCIENS
Un massif ancien est une unité géomorphologique généralement de dimensions moyennes (de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de kilomètres carrés), associant des vestiges souvent importants de surfaces d'aplanissement à une gamme plus ou moins riche de formes structurales en partie spécifiques.
D'une façon générale, les massifs anciens ont un relief compact, aux formes lourdes, mal aéré par des vallées en gorges incisées dans des plateaux. Selon leurs altitudes et l'ampleur des dénivellations topographiques, ils représentent des régions de plateaux et de collines (massif Armoricain), des moyennes montagnes (Vosges, Forêt-Noire, massif Bohémien, Highlands d'Écosse) ou des hautes montagnes au modelé glaciaire (Altaï, Tianshan). Les unes et les autres se répartissent dans les latitudes moyennes de l'hémisphère Nord, entre les boucliers des hautes latitudes et les chaînes de plissement tertiaires.
Les massifs anciens résultent d'une évolution longue et complexe. Ils correspondent en effet à des portions de plates-formes calédono-hercyniennes exhaussées (antéclises) lors du cycle orogénique alpin. C'est à un rajeunissement tectonique tertiaire plus ou moins vigoureux qu'ils doivent leur configuration actuelle et les aspects fondamentaux de leur relief.
Du point de vue économique, les massifs anciens offrent un grand intérêt en raison des richesses minières qui leur sont associées. D'importants gisements de houille caractérisent le Carbonifère de l'avant-pays (Westphalie), d'avant-fosses molassiques (Ruhr, bassin franco-belge) et de fosses internes (Sarre, Saint-Étienne, Blanzy, Le Creusot) de la chaîne hercynienne. Leur vieux bâti cristallin recèle aussi de nombreux minerais métallifères (hématite, pyrite, blende, galène argentifère, etc.) dans des gîtes de contact et filoniens ; d'où le rôle décisif qu'ont joué, au Moyen Âge, les massifs d'Europe centrale (Harz, Erzgebirge) dans l'histoire de la métallurgie.
Pour comprendre ces unités géomorphologiques, on analysera d'abord les données structurales qui leur correspondent et dont les particularités permettent de distinguer plusieurs types morphologiques. Puis on dégagera les grands traits de la genèse de leur relief.
Données structurales
La structure d'un massif ancien résulte de l'interférence entre celle d'une plate-forme calédono-hercynienne et celle qui est due au rajeunissement tectonique tertiaire.
La plate-forme calédono-hercynienne
La structure de la plate-forme calédono-hercynienne comprend un socle et parfois des témoins de couvertures sédimentaires discordantes.
L'architecture du socle est complexe. Elle comporte des infrastructures cristallines antécambriennes associant de puissants massifs de granites d'anatexie aux zones de gneiss et de micaschistes du métamorphisme régional. Des vestiges de séries sédimentaires très plissées et plus ou moins métamorphisées, antécambriennes (plissements cadomiens du socle armoricain) et surtout primaires (plissements appalachiens, calédoniens, hercyniens) s'y inscrivent localement. Ces éléments à zonalité linéaire marquée par l'alternance de grès, de quartzites, de calcaires et de schistes constituent des structures rubanées, ou « appalachiennes ». Enfin, des roches endogènes variées, appartenant à différentes générations d'intrusions, recoupent localement ces diverses formations. Il s'agit de batholites de granites discordants, ceinturés par les auréoles du métamorphisme de contact, et de filons dont le nombre et les orientations caractérisent la fracturation du socle.
Sur ce bâti fondamental peuvent reposer, en discordance, des couvertures sédimentaires secondaires ou tertiaires, de faciès marins, dont la nature lithologique varie (grès triasiques vosgiens, calcaires tertiaires de la Meseta ibérique). Leur épaisseur est importante quand elles correspondent à des bassins de subsidence locaux (calcaires jurassiques des Causses). Des filons-couches et des laccolites peuvent alors s'insinuer entre leurs strates.
Le rajeunissement tectonique tertiaire
L' individualisation des massifs anciens résulte des déformations infligées à la plate-forme calédono-hercynienne. Cette tecto-orogenèse de rajeunissement engendre deux grands types d'antéclise.
Dans le cas de simples mouvements épirogéniques de faible intensité et à grand rayon de courbure, la structure tectonique résultante consiste en vastes bombements accompagnés d'une fracturation limitée, en particulier quand ils affectent un socle schisteux souple (massif Armoricain). En revanche, les déformations intenses et à faible rayon de courbure déterminent une tectonique de failles. Celle-ci débite les plates-formes granito-gneissiques rigides en môles (horsts) plus ou moins basculés et en fossés (grabens) remblayés par des dépôts molassiques, marins ou continentaux, oligo-miocènes et pliocènes. Cette fracturation s'accompagne localement d'un intense volcanisme, qui se manifeste par des effusions et des extrusions successives jusque dans le Quaternaire. Les premières édifient des complexes de volcans et de coulées ; les secondes insèrent des culots, des necks et des dykes dans les constructions volcaniques ou dans les remblayages détritiques des fossés (Limagnes).
C'est en haute Asie centrale que le rajeunissement tertiaire atteint son maximum d'intensité, car il est la conséquence de la collision des plaques indienne et eurasiatique qui a engendré la plus haute chaîne de plissement du monde, l'Himālaya. Simultanément, on lui doit aussi ces hautes chaînes de socle que sont l'Altaï, les Tianshan et les Kunlunshan, isolant les vastes bassins de subsidence du Junggar et du Tarim, liées à la réactivation de grands accidents tectoniques primaires. Les géophysiciens estiment que leur soulèvement se poursuit toujours en liaison avec la subduction en cours des deux plaques.
On conçoit l'intérêt géomorphologique primordial de cette tectonique de rajeunissement. Selon l'altitude à laquelle elle porte les panneaux de plate-forme, les massifs anciens sont des hautes ou des moyennes montagnes, ou de simples plateaux. Son style fixe leur configuration générale, qu'il s'agisse de leurs pentes, dans le cas de bombements, ou de leur différenciation en horsts et en fossés. De l'intensité de la tectonique tertiaire dépendent, enfin, l'efficacité de l'exploitation du potentiel de formes structurales du socle par l'érosion différentielle et la vigueur du modelé en creux réalisé par les vallées en gorges, aux dépens des surfaces d'aplanissement initiales.
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Écrit par
- Roger COQUE : professeur des Universités, professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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Voir aussi
- RELIEF TERRESTRE
- FAILLES
- APLANISSEMENT SURFACE D'
- GRABEN ou FOSSÉ D'EFFONDREMENT
- CHAÎNES DE MONTAGNES, géomorphologie
- TERTIAIRE ÈRE
- VOSGES
- APPALACHIEN RELIEF
- MASSIF ARMORICAIN ou ARMORIQUE
- GLACIAIRE MODELÉ
- GÉOLOGIE STRUCTURALE
- MASSIF SCHISTEUX RHÉNAN
- MÔLE ou HORST
- PLATE-FORME, géologie
- COUVERTURE, géologie structurale
- FRACTURE, tectonique
- ÉROSION