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MAQĀMA

La prose arabe est née au cours du iie siècle de l'hégire, à l'initiative de fonctionnaires de l'administration d'origine persane dont les plus célèbres restent ‘Abd al-Ḥamīd Ibn Yaḥyā et Ibn al-Muqaffa‘, auteur de Kalīla et Dimna. Au cours du iiie siècle, al-Ǧāḥiẓ donne ses lettres de noblesse à ce qu'il est convenu d'appeler la prose d' adab. C'est en elle qu'il faut probablement rechercher les germes d'un genre nouveau, la maqāma, mot que l'on traduit par « séance », sans que ce dernier terme restitue toute la signification du premier. Exercice littéraire très représentatif du milieu où il se pratique, occasion de faire preuve d'une maîtrise totale de la langue, la maqāma connut une grande fortune dans les lettres arabes et fut adoptée par les littératures persane, hébraïque et turque. On y a vu l'amorce d'une forme de création romanesque ou l'ébauche d'un théâtre.

Récits et personnages

Il s'agit d'un texte n'excédant pas une dizaine de pages, souvent même plus bref, écrit en prose rythmée et rimée. Un narrateur, sous le nom duquel se déguise en général l'auteur, fait le récit de sa rencontre avec un personnage haut en couleur qui est le héros de l'historiette contée. Ses apparitions revêtent des formes multiples. C'est, tour à tour, un bohème quelque peu parasite reçu par des bourgeois cultivés, un faux mendiant, un truand, un ascète, un gai compagnon qui narre des aventures survenues dans les milieux et les lieux les plus divers. Sa moralité est parfois douteuse, ce qui ne l'empêche pas d'adresser à ses contemporains des harangues moralisatrices ou de vertes satires. Quel qu'il soit, il fait toujours montre d'une culture très étendue. Maître de la langue, fin connaisseur de la poésie, il se tire de toutes les situations et s'attire l'admiration par des répliques d'une haute tenue ou la récitation d'un poème célèbre. Dans la bouche d'un vagabond, d'un berger en loques ou d'un Bédouin apparemment inculte, pareils discours provoquent un effet de surprise très recherché qui constitue souvent l'intérêt principal du récit.

Celui-ci s'ordonne parfois autour d'une anecdote bien construite destinée, ici, à tracer le portrait d'un avare, celui d'un mécène, ou d'un dévot, et là, à décrire une scène de cabaret, de bain maure, ou de mosquée. Ainsi défilent devant nous toutes sortes de personnages : négociants parvenus, tartufes, faux dévots, beaux esprits et poètes. D'autres fois, l'argument se fait très mince et la séance, réduite à une ou deux pages, est destinée à mettre en relief une sentence morale, un beau trait de caractère ou une considération sur l'existence.

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Pour citer cet article

Jamel Eddine BENCHEIKH. MAQĀMA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Séances d'al-Harîrî - crédits :  Bridgeman Images

Séances d'al-Harîrî

Autres références

  • ARABE (MONDE) - Littérature

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Hachem FODA, André MIQUEL, Charles PELLAT, Hammadi SAMMOUD, Élisabeth VAUTHIER
    • 29 245 mots
    • 2 médias
    ...et les assonances (comme dans la maq̄ama), n'ont plus lieu d'être. On comprend alors sans peine que les tentatives d'actualisation de la maq̄ama menées par les écrivains de la Naḥda soient restées sans lendemain. La voie est libre pour enraciner de nouveaux genres, en particulier le...
  • ḤARĪRĪ AL- (1054-1122)

    • Écrit par Universalis
    • 315 mots

    Grammairien et écrivain arabe, né en 1054 près de Bassora (Irak), mort en 1122 à Bassora.

    Les œuvres d’Abū Muhammad al-Qāsim ibn ‘Ali al-̣Harīrī, plus connu sous le nom d’al-Harīrī, comprennent un long poème sur la grammaire (Mulhat al-i’rab fi al-nahw) accompagné d’un commentaire,...

  • NOUVELLE

    • Écrit par ETIEMBLE, Antonia FONYI
    • 5 148 mots

    Depuis les nouvelles de la Renaissance, on ne fait que parler des renaissances de la nouvelle : au xixe, au xxe siècle. Comme si ce genre périodiquement périclitait, ou décédait. Mais l'âge classique pourrait bien se définir : celui, notamment, de la nouvelle. Et dans la Chine des Song, des Ming, des...

  • RUIZ JUAN (1285 env.-env. 1350)

    • Écrit par Daniel DEVOTO
    • 1 112 mots
    ...(principe dit de « l'arc lobé »), les organisant autour d'un personnage central qui n'est autre que l'auteur lui-même. Le modèle de son récit est celui des maqāma arabes qui montrent au premier plan un luron – rhétoricien, poète, grammairien –, lequel, sans les mettre en œuvre, prône la dévotion et la vertu...

Voir aussi