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MAO DUN [MAO-TOUEN](1896-1981)

La quête d'un véritable « réalisme révolutionnaire »

La partie critique et surtout théorique de l'œuvre de Mao Dun est loin d'être négligeable. Engagé dès sa jeunesse dans des réflexions et des débats sur la fonction de la littérature et sur le réalisme, il ne cesse de retourner la question et de chercher des matériaux pour ses recherches, auxquelles il tente de donner une rigueur toute scientifique. Convaincu, tels Luxun et les autres écrivains chinois de sa génération, que la littérature est « l'avant-garde de la philosophie » et que la tâche de l'écrivain chinois révolutionnaire est de propager une nouvelle Anschauung qui libère l'énergie du peuple, il est attiré autour de 1920 par Nietzsche, le darwinisme social, l'anarchisme de Kropotkine et le syndicalisme américain, mais dès 1921 il se tourne vers le marxisme. Il se consacre ensuite à l'introduction en Chine du réalisme et du naturalisme (entre lesquels il ne fera jamais de distinction), non sans souligner qu'ils sont une simple étape dans le développement naturel de la littérature. Il pense alors qu'il faut corriger le pessimisme du réalisme et du naturalisme européens par le symbolisme, lequel doit servir de transition vers le « néoromantisme » des courants modernes, seul capable de montrer le droit chemin à la race humaine, et dont Romain Rolland et Henri Barbusse sont les représentants modèles. Attiré un temps par le futurisme de Maïakovski et l'expressionnisme, il adopte un point de vue plus critique à l'égard de ces mouvements après les événements de 1925 et la conversion de la société Création à la littérature révolutionnaire et prolétarienne, attitude dictée par le contexte historique et partagée alors par bon nombre de jeunes écrivains. De ce moment Mao Dun ne cessera de réfléchir au sens et à la mise en œuvre d'un « réalisme révolutionnaire » distinct du réalisme critique de la fin du xixe siècle européen et dont il cherche un temps le modèle chez Gorki. Il est à noter qu'au cours de ces recherches, il ne s'alignera pas, même avant la rupture de la Chine avec l'Union soviétique, sur les positions du « réalisme socialiste », lui préférant toujours le réalisme tel qu'il le voit déjà dans la tradition chinoise et dont il analyse les liens étroits avec la tradition romantique dans les chansons populaires et dans les légendes de la mythologie chinoise. Inachevée comme beaucoup de ses romans, l'œuvre théorique de Mao Dun procède par retours et ne débouche pas sur des conclusions définitives, mais l'écrivain ne remettra jamais en cause son exigence première d'une littérature qui soit d'abord et avant tout au service de la société.

— Michelle LOI

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de jeunes filles, agrégée de l'Université (lettres), docteur d'État, professeur honoraire à l'université de Paris-VIII, département de littérature générale, domaine chinois

Classification

Pour citer cet article

Michelle LOI. MAO DUN [MAO-TOUEN] (1896-1981) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MINUIT, Mao Dun - Fiche de lecture

    • Écrit par Isabelle RABUT
    • 870 mots

    Œuvre majeure de Mao Dun (1896-1981), Minuit, publié en 1933, a été salué en son temps comme « le premier roman réaliste réussi de la littérature chinoise » (Qu Qiubai). Fresque illustrant la fatalité de l'écroulement d'un monde et l'irrésistible montée des forces révolutionnaires, cet ouvrage qu'on...

Voir aussi