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IRIGARAY LUCE (1930- )

Féministe, linguiste, psychanalyste et philosophe française, Luce Irigaray a construit une grande part de son œuvre sur les usages et mésusages de la langue lorsque celle-ci s'emploie à rendre compte du féminin.

Née en 1930, en Belgique, Luce Irigaray est prudente sur les détails qu'elle révèle concernant sa vie privée ou son éducation ; elle pense en effet que l'establishment universitaire, dominé par les hommes, utilise généralement ces informations pour déformer ou disqualifier les travaux des penseurs féminins. Elle étudie à l'université catholique de Louvain, puis à l'université de Paris-VIII-Vincennes, où elle passe en 1968 un doctorat de troisième cycle en linguistique. À partir de 1964, elle travaille comme analyste et maître de recherche en philosophie au C.N.R.S. dans la capitale française. Durant cette même décennie, Luce Irigaray devient membre de l'école freudienne de Paris, fondée en 1964 par Jacques Lacan, et s'y forme à la psychanalyse. La thèse de philosophie qu'elle soutient en 1974 pour un doctorat d’État, intitulée Speculum. De l'autre femme, critique vivement les théories psychanalytiques freudiennes et lacaniennes et cause son renvoi des postes qu'elle occupe à l'université de Paris-VIII-Vincennes et à l'école freudienne.

Luce Irigaray demeure surtout connue pour sa théorie de la différence sexuelle, selon laquelle la notion prétendument asexuée de sujet, ou d'ego, qui traverse la philosophie occidentale et la théorie psychanalytique reflète subtilement les intérêts et les perspectives des hommes, tandis que les femmes sont associées au non-sujet (l'Autre) ou à la matière et à la nature. Selon elle, il n'existe aucune véritable hétérosexualité dans la culture occidentale, car celle-ci représente ou développe uniquement un sujet masculin, jamais un sujet féminin, en particulier dans les domaines du droit, de la religion, de la théorie politique, de la philosophie et de l'art. Luce Irigaray entend introduire dans cet héritage philosophique deux sujets sexués et encourager l'émergence d'une culture et d'une éthique qui leur rendraient justice à l'un comme à l'autre. Elle envisage son travail en trois phases : la première démontre l'existence de la perspective masculine qui a dominé le discours occidental, la deuxième esquisse les possibilités de construction d'un sujet féminin et la dernière vise à instaurer les conditions sociales, juridiques et éthiques nécessaires pour établir des relations entre deux sujets différemment sexués.

Luce Irigaray a notamment écrit : Passions élémentaires (1982), L'Éthique de la différence sexuelle (1984), Le Temps de la différence : pour une révolution pacifique (1989), Je, tu, nous : pour une culture de la différence (1990), et J'aime à toi : esquisse d'une félicité dans l'histoire (1992).

— Marie Beth MADER

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Memphis, auteur

Classification

Pour citer cet article

Marie Beth MADER. IRIGARAY LUCE (1930- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CRITIQUE LITTÉRAIRE

    • Écrit par Marc CERISUELO, Antoine COMPAGNON
    • 12 918 mots
    • 4 médias
    ...poststructuraliste, liant la tradition occidentale au « phallocentrisme », complément inséparable, selon Derrida, de son phonocentrisme et de son logocentrisme. Luce Irigaray, Hélène Cixous, Julia Kristeva, les championnes de ce second féminisme en France, étaient des linguistes de formation. L'attention s'est alors...
  • FÉMINISME - Les théories

    • Écrit par Françoise COLLIN
    • 2 725 mots
    • 3 médias
    Soutenu initialement par l'œuvre de Luce Irigaray, ce courant conteste l'affirmation lacanienne d'un signifiant commun aux deux sexes, et corrélativement la référence de l'humanité aux insignes phalliques. Au trait unaire qui caractérise ce signifiant, Irigaray oppose le signifiant féminin de « l'incontournable...

Voir aussi