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LIGUE DES DROITS DE L'HOMME

Ni association humanitaire, ni relais d'orientations républicaines définies par l'État, ni mouvement spécialisé dans la promotion de telle ou telle exigence, la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, dite Ligue des droits de l'homme, est une association sans but lucratif « destinée à défendre les principes énoncés dans les Déclarations des droits de l'homme de 1789, 1793, la Déclaration universelle de 1948 et la Convention européenne des droits de l'homme » (art. 1er de ses statuts). Cette organisation « généraliste des droits », au fonctionnement démocratique, née en 1898 du combat politique au temps de l'affaire Dreyfus, continue à s'inscrire dans un rapport original aux pouvoirs publics. Voilà qui pose de nombreuses questions ; on les évoquera brièvement avant de retracer quelques étapes de l'histoire de la Ligue.

Sa place dans la vie associative française mérite éclaircissement. Est-elle liée au nombre de ses adhérents ? Non : 8 000 membres environ, plus d'un siècle après sa création, cela ne définit ni un milieu activement recruteur, ni un groupe restreint aux « compétences ». Qui sont-ils, au reste, ces hommes et ces femmes qui se disent ligueurs et ligueuses ? Ils viennent, très majoritairement, des classes moyennes, un milieu aujourd'hui en pleine évolution. Ils n'échappent pas toujours à la quête de notabilité : être président de section, c'est être invité quasi d'office à la sous-préfecture, et le président national, dans notre époque médiatique, est fortement présent sur bien des antennes. Le mot section a été prononcé : il s'agit de la base de la Ligue dans la vie locale ; on en compte aujourd'hui plus de 300, libres de leurs initiatives dans le « respect des statuts », élaborés et périodiquement revisités par le congrès. Sur l'autonomie des sections repose la pyramide des pouvoirs : fédérations départementales, directions régionales, comité central qui élit le bureau national. C'est dans ce cadre que se déploie le militantisme ligueur.

On peut aussi caractériser la spécificité de la Ligue, aujourd'hui, en la comparant aux autres associations de défense des droits, nombreuses en ce début du IIIe millénaire. Elle doit son originalité à sa volonté de défendre tous les droits acquis et d'aider à en promouvoir de nouveaux, dans le domaine de la bioéthique par exemple, à son souci de l'égalité et à la longue réflexion qui préside à ses prises de position : garantie de sérieux, ce dernier trait rend malaisées les réactions immédiates, mais explique, tout autant que ses origines, l'accueil que lui réservent en principe les institutions de la République, lorsqu'elle les interpelle.

Un portrait angélique ? Assurément, il décrit un idéal type. Mais celui-ci est inséparable d'une histoire où les crises n'ont pas manqué. On ne voit pas pourquoi elles disparaîtraient : la crise, c'est la vie.

La Ligue vient au monde au cours d'une assemblée générale, préparée pendant plusieurs mois, le 4 juin 1898. Après « J'accuse » (Zola), mais avant Les Preuves (Jaurès) et les aveux du colonel Henry. S'engager, en cette veille d'été, contre l'état-major, alors que l'armée passe toujours pour « l'arche sainte », et contre les forces qui empêchent la République d'être républicaine ne va pas sans risque. Deux groupes fondateurs s'y consacrent : des hommes politiques, centristes au Parlement et socialement conservateurs – Ludovic Trarieux, Joseph Reinach... – et une poignée d'intellectuels peu habitués à rendre publique leur opinion, mais, à l'exception de Lucien Herr, sans référence socialiste : Émile Duclaux, Émile Durkheim... L'organisation va fonctionner, en province comme à Paris, à la façon d'un creuset où se rencontrent des amants de[...]

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Pour citer cet article

Madeleine REBÉRIOUX. LIGUE DES DROITS DE L'HOMME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DREYFUS (AFFAIRE)

    • Écrit par Vincent DUCLERT
    • 4 892 mots
    • 3 médias
    ...le Parlement et la grande presse, le front dreyfusard se renforça. Un nombre croissant d'intellectuels s'engagea malgré les risques et les menaces, la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen se constitua en juin 1898, les enquêtes et expertises indépendantes se multiplièrent,...
  • JOUFFA YVES (1920-1999)

    • Écrit par Madeleine REBÉRIOUX
    • 1 020 mots

    La vie et la carrière d'Yves Jouffa sont marquées par ses origines juives et laïques, par les compétences juridiques qu'il a tôt acquises et par la constance d'un militantisme de gauche, longtemps « dissident » par rapport aux grands partis, qui le porta, de 1984 à 1991, à la présidence de la Ligue française...

  • MAYER DANIEL (1909-1996)

    • Écrit par Charles-Louis FOULON
    • 990 mots

    Militant des droits de l'homme et du socialisme,

    mort à Orsay le 29 décembre 1996, Daniel Mayer était né à Paris le 29 avril 1909. Fils d'un représentant et d'une institutrice, il travailla dès quatorze ans, après avoir obtenu son certificat d'études primaires. Adhérent à la ...

  • NOGUÈRES HENRI (1916-1990)

    • Écrit par Charles-Louis FOULON
    • 843 mots

    Né le 13 novembre 1916, à Bages, dans les Pyrénées-Orientales, que son père, Louis Noguères, également avocat, représenta à la Chambre des députés, Henri Noguères fut fidèle à l'engagement socialiste de sa famille. À vingt ans, il collabora, avec Léon Blum, au journal Le Populaire...

Voir aussi