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LES ROUGON-MACQUART, Émile Zola Fiche de lecture

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Une vision naturaliste

Reste que Zola est surtout convaincu que ce projet, outre ses assises scientifiques, doit être soumis au style qu'il définit comme « un coin de la création vue à travers un tempérament ». Comme l'a montré la recherche zolienne, le scientisme du romancier n'a rien de l'application mécanique de théories préexistantes. C'est davantage une pragmatique, où des principes de pure logique déductive permettent à Zola de définir chaque personnage et de l'inscrire dans un milieu. C'est, à l'échelle du projet, la même démarche que celle des « dossiers préparatoires » qu'il utilise pour écrire tous ses romans. La science lui offre un certain nombre de principes (le matérialisme, l'hérédité), voire de contraintes. En retour, le projet intégrera la science qui, relevant du réel visé, fera partie du roman, notamment avec Le Docteur Pascal (1893), ultime volume de la série. Ce sont là autant de filtres qui permettent à Zola d'élaborer son projet, de lire cette époque et d'acquérir des points de vue sur le réel qui enrichiront sa pensée avant de féconder son imaginaire. Car chez Zola, comme chez Balzac, la vision est constamment en excès sur la réalité qu'il se charge de décrire.

Mes Haines (1866), la Préface de Thérèse Raquin (1868), celle de La Fortune des Rougon (1871) voient se préciser le naturalisme de Zola. En 1880, sous l'influence de la lecture de l'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale de Claude Bernard (1865), il publie Le Roman expérimental. Cette époque est celle de la parution des Soirées de Médan, où Zola est entouré de jeunes naturalistes (Huysmans, Alexis, Céard, Maupassant). Aussi ce volume a-t-il un caractère sinon programmatique, du moins médiatique. C'est le moment où l'écrivain déclare : « La République sera naturaliste ou ne sera pas. » Zola cherche à fonder scientifiquement le roman : « Le romancier, écrit-il, est fait d'un observateur et d'un expérimentateur. L'observateur chez lui donne les faits tels qu'il les a observés, pose le point de départ, établit le terrain solide sur lequel vont marcher les personnages et se développer les phénomènes. Puis, l'expérimentateur paraît et institue l'expérience, je veux dire fait mouvoir les personnages dans une histoire particulière, pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l'exige le déterminisme des phénomènes mis à l'étude. » Ce texte qui ne manquera pas de nourrir des polémiques dans la presse et qui fut amicalement critiqué par les disciples mêmes de Zola, reste cette « excroissance momentanée » (Henri Mitterand) qui, paradoxalement, nous en apprend moins sur l'art de raconter et la puissance romanesque de Zola que ses autres textes.

— Jean-Didier WAGNEUR

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Jean-Didier WAGNEUR. LES ROUGON-MACQUART, Émile Zola - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 29/10/2009

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<it>Émile Zola</it>, É. Manet - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Émile Zola, É. Manet

Autres références

  • AU BONHEUR DES DAMES, Émile Zola - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 128 mots

    Publié en feuilleton dans Gil Blas entre décembre 1882 et mars 1883 et aussitôt après en volume chez Charpentier, Au Bonheur des dames est le onzième volume de la série des Rougon-Macquart. Il suit Pot-Bouille (1882), avec lequel il constitue une sorte de diptyque d'Octave Mouret. Médité depuis...

  • GERMINAL, Émile Zola - Fiche de lecture

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    • 893 mots

    À propos de Germinal, Émile Zola (1840-1902) écrivait à un correspondant : « J'ai toujours, dans la série des Rougon-Macquart, gardé une large place à l'étude du peuple, de l'ouvrier, et cela dès l'idée première de l'œuvre. Mais ce n'est qu'au moment de ...

  • LA BÊTE HUMAINE, Émile Zola - Fiche de lecture

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    La Bête humaine est le dix-septième volume des Rougon-Macquart. Écrit entre mai 1889 et janvier 1890, le roman a d’abord été publié en feuilleton dans La Vie populaire,avant de paraître en volume chez Charpentier,en mars 1890. Si, depuis Thérèse Raquin (1867), chaque livre d’Émile Zola...

  • LA CURÉE, Émile Zola - Fiche de lecture

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    ...d'années en arrière sur les circonstances de l'ascension d'Aristide Rougon, troisième fils de Pierre Rougon et petit-fils d'Adélaïde Fouque. À la fin de La Fortune des Rougon, Aristide s'apprêtait à quitter Plassans avec sa femme, Angèle, et sa fille Clotilde (son fils Maxime restant en pension au collège)...
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