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TOLSTOÏ LÉON NIKOLAÏÉVITCH (1828-1910)

Tolstoï - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Tolstoï

Romancier dont le génie créateur, nourri par un vitalisme instinctif, a toujours été dominé et dirigé par le besoin d'une règle de conduite absolue, Tolstoï s'est tourné dans la seconde moitié de sa vie vers la prédication d'un christianisme renouvelé, ramené à la stricte observance de la loi d'amour, au nom de laquelle il condamne les structures économiques, sociales et politiques du monde moderne et les formes d'art qui en sont le fruit. Cette intransigeance rigoureuse de l'exigence morale appliquée à tous les domaines de la vie individuelle et collective a fait de Tolstoï l'un des maîtres spirituels du xxe siècle naissant.

La formation et les débuts littéraires (1828-1855)

Quatrième fils (et avant-dernier enfant) du comte Nicolas Iliitch Tolstoï (Nikolaj Il'ič Tolstoj) et de la comtesse, née princesse Marie Volkonski (Marija Volkonskaja), Léon Tolstoï a perdu sa mère à deux ans et a été élevé jusqu'à sa neuvième année dans le domaine de Iasnaïa Poliana (Jasnaja Poljana), près de Toula, par une tante, Tatiana Ergolskaïa (Tat'jana Ergol'skaja). Après la mort de son père, qui suit de près le déménagement de la famille à Moscou, en 1837, il est placé avec ses frères et sa sœur sous la tutelle de deux autres tantes, Alexandra Osten-Saxen (Aleksandra Osten-Saksen), puis Pélagie Youchkov (Pelageja Juškova), à Kazan. C'est à Kazan qu'en 1844 il entre à la section de philologie arabe et turque de la faculté de philosophie, qu'il abandonne l'année suivante pour la faculté de droit. Cependant, en avril 1847, peu satisfait de l'enseignement reçu à l'université, il la quitte pour assumer ses responsabilités de gentilhomme propriétaire (pomeščik) du domaine de Iasnaïa Poliana (sa part de l'héritage paternel), tout en se consacrant à son perfectionnement physique, intellectuel et moral dont il tient une rigoureuse comptabilité dans son journal intime. Néanmoins, tiraillé entre des velléités contradictoires, succombant fréquemment à des tentations qu'il réprouve, souffrant de l'écart qui se creuse ainsi entre ses exigences ascétiques et sa vie réelle, il part en avril 1851 rejoindre dans la « stanitsa » (stanica) cosaque de Starogladkovskaïa (Starogladkovskaja) sur le Terek, à la limite des régions insoumises, son frère Nicolas (Nikolaj), officier de l'armée du Caucase. Il participe, d'abord comme volontaire civil, puis comme élève-officier et enfin comme aspirant, à plusieurs opérations contre les montagnards rebelles commandés par Chamil. Au moment de la guerre de Crimée, il est envoyé sur sa demande dans Sébastopol assiégé, et participe activement à sa défense dans l'un des bastions les plus exposés (nov. 1854-août 1855).

Au Caucase, Tolstoï a pu se consacrer aux projets littéraires ébauchés peu avant son départ, notamment au roman Les Quatre Âges du développement (Četyre epoki razvitija), d'où sortira une trilogie autobiographique, formée des récits : Enfance (Detstvo), Adolescence (Otročestvo, 1854) et Jeunesse (Junost', 1857). Encouragé par le succès de l'Enfance, parue en septembre 1852 dans la revue Le Contemporain (Sovremennik), il écrit, tout en continuant sa trilogie, une série de récits fondés sur des épisodes vécus de la guerre du Caucase et de celle de Crimée : Le Raid (Nabeg, 1852), L'Abattage de la forêt (Rubka lesa, 1855), Sébastopol en décembre (Sevastopol' v dekabre, 1855), Sébastopol en mai (Sevastopol' v mae, 1855), Sébastopol en août (Sevastopol' v avguste, 1856) qui lui apportent la célébrité.

La littérature est d'abord pour le jeune Tolstoï un instrument d'auto-analyse et d'autodétermination. Son penchant pour l'introspection et pour l'examen de conscience s'exprime dans ses premières œuvres par la lucidité avec laquelle il perce, jusque chez[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne et à l'École normale supérieure

Classification

Pour citer cet article

Michel AUCOUTURIER. TOLSTOÏ LÉON NIKOLAÏÉVITCH (1828-1910) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Tolstoï - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Tolstoï

Autres références

  • ANNA KARÉNINE, Léon Tolstoï - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel AUCOUTURIER
    • 974 mots

    Commencé peu après l'achèvement de Guerre et Paix, et inspiré à Léon Tolstoï (1828-1910) par le suicide, survenu dans son voisinage, d'une femme abandonnée par son amant, le deuxième grand roman de Tolstoï, Anna Karénine, a pour cadre la société russe contemporaine, et pour thème...

  • GUERRE ET PAIX, Léon Tolstoï - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel AUCOUTURIER
    • 1 178 mots
    • 1 média

    Premier grand roman de Léon Tolstoï (1828-1910), Guerre et Paix (1863-1869) se veut une histoire vraie de la guerre patriotique de 1812 contre l'invasion napoléonienne, telle que l'a vécue la génération des parents du romancier.

  • GUERRE ET PAIX (mise en scène P. Fomenko)

    • Écrit par Béatrice PICON-VALLIN
    • 1 080 mots

    La troupe de Piotr Fomenko est venue en France pour la troisième fois en 2002. À la suite de Loups et brebis d'Ostrovski (festival d'Avignon, 1997), réinvité en 1998 par le festival d'Automne avec La Noce de Tchekhov, c'est en première européenne que le théâtre des Gémeaux a accueilli...

  • NON-VIOLENCE

    • Écrit par Jacques SEMELIN
    • 5 888 mots
    • 7 médias
    Le refus de la violence par fidélité au Sermon sur la montagne est encore au cœur de la doctrine de Léon Tolstoï (1828-1910). Il en expose la théorie dans Le Royaume des Cieux est en vous (1893) et prend la défense des doukhobors, groupe religieux persécuté pour son refus de porter les armes. Sollicité...

Voir aussi