ČAPEK KAREL (1890-1938)

Le citoyen et sa nation

Pendant la brève existence de la I^re République tchécoslovaque, il a été citoyen d'une nation en quête de sa personnalité. Il fallait dépasser les définitions négatives (on est tchèque contre l'Autriche, slovaque contre la Hongrie) ou trop simples (repliement sur les particularismes locaux). Consciencieusement, Čapek accueille tous les cadres régionaux, jusqu'à l'exotique petite Ruthénie (annexée en 1945 par l'U.R.S.S.) où il situe son roman le plus humain, Hordubal ; il brasse tous les milieux, mêle la finesse pragoise au gros bon sens paysan, le sérieux à l'humour, la passion au refus de la violence. Son but : contribuer à la státotvornost, la construction d'un sens civique national. Mais « national » est proche de « nationaliste », et Čapek sentait le danger. Son originalité fut de se placer systématiquement dans une perspective mondiale. Il avait des affinités avec les littératures française et anglaise : ces deux pays contribuèrent en échange à propager sa renommée. Et celle-ci, à son tour, aida les Tchèques à surmonter le sentiment pénible d'appartenir à un pays petit et jeune. Ce petit pays, Čapek et bien d'autres lui cherchaient aussi une place dans le monde. Proche de la ligne politique gouvernementale, mort à un moment symbolique, Karel Čapek incarne assez bien ce bref espoir de l'entre-deux-guerres d'une Europe libérale dont la Tchécoslovaquie eût été le pivot. L'histoire en décida autrement.