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MILTON JOHN (1608-1674)

Humaniste et libéral

Milton a le privilège d'entreprendre son « grand tour » en 1638, muni de lettres de recommandation auprès des gens de cour et surtout des gens de lettres. Il traverse la France et visite les cités italiennes, en passant par Florence, Bologne, Venise. Il franchit sans doute la forêt de Vallombrosa qu'il évoquera dans Le Paradis perdu, souvenir lumineux du poète alors devenu aveugle. Il allait partir pour la Grèce quand la guerre civile l'incita à rentrer à Londres, « préférant la reine Vérité au roi Charles ». Avait-il déjà le dessein d'écrire une épopée chrétienne ? Divers projets le laissent penser ; Voltaire (Essai sur la poésie épique) rapporte que Milton aurait vu à Milan une comédie intitulée Adam ou le Péché originel dont il aurait décidé de faire une tragédie.

La tragédie politique se jouait alors entre « cavaliers » et « têtes rondes » ; gagné par la fièvre de controverse sur les problèmes du gouvernement de l'Église, l'histoire d'Angleterre et la doctrine chrétienne, Milton allait y participer en écrivant, entre 1641 et 1660, vingt-neuf livres ou pamphlets. Plusieurs furent d'abord écrits en latin. Dès son retour en Angleterre, les presbytériens écossais avaient pris les armes contre les évêques anglicans qui soutenaient le roi de droit divin Charles Ier. Milton rédigea alors cinq traités : La Raison du gouvernement de l'Église (Reason of Church-Government Urged against Prelaty, 1641) est le plus célèbre. Puis, les presbytériens eux-mêmes s'avisant d'instituer la censure politique, il publie Areopagitica (1644) : « Autant supprimer un homme que de supprimer un livre » ; l'argument portera, la censure ne fut pas appliquée en Angleterre ; Mirabeau devait traduire l'ouvrage. La même année, Milton écrit De l'éducation (Of Education), inspiré en partie par les idées du Tchèque Comenius, son contemporain. Deux années plus tôt, le poète avait épousé Mary Powell, de parents royalistes qui avaient vu en lui un beau parti ; c'était de sa part s'exposer, aurait dit La Fontaine, « au plus grand des hasards ». Comme l'Adam du Paradis perdu, il avait cédé, « fou d'amour, au charme de la femme ». Selon lui, « le véritable amour affine la pensée », comme dira l'ange Raphaël à Adam troublé par la beauté. Les traités sur le divorce, Tetrachordon et Colasterion (1645), Jugement de Martin Bucer sur le divorce (The Judgment of Martin Bucer concerning Divorce, 1644), proclament que le mariage ne peut être fondé que sur une harmonie spirituelle. Mary avait fui la maison conjugale ; puis, la victoire de Cromwell à Naseby en 1645 annonçant les revers des royalistes, la famille Powell vint offrir la soumission de Mary. Elle donna trois filles à Milton.

Aussitôt après la décapitation de Charles Ier (janvier 1649), Milton fut nommé secrétaire aux langues étrangères. Ses tâches nouvelles lui permirent de prévenir quelque précipitation dans les vengeances politiques ; il sauva ainsi le poète Davenant, filleul de Shakespeare. En décembre 1649, il composait Le Pouvoir des rois et des magistrats (The Tenure of Kings and Magistrates), où il justifiait la suppression de tout tyran, puis Eikonoklastes pour défendre les parlementaires contre les royalistes, et un autre traité contre un certain Saumaise, protestant qui, de Hollande où s'était réfugié le fils de Charles Ier, vitupérait les puritains régicides. La tâche fatigua ses yeux, fragiles depuis 1644. En 1651 paraissait le Leviathan de Hobbes, en exil à Paris, tandis que la renommée de Milton parvenait jusqu'en Grèce. Pourtant il s'en fallait que le secrétaire de Cromwell fût sans réserve son homme lige. Il ne voulait pas croire, à l'inverse de Hobbes, en la nécessité du tyran, mais il pensait bien que les « saints », comme on appelait les puritains,[...]

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Pour citer cet article

Jacques BLONDEL. MILTON JOHN (1608-1674) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Milton, Le Paradis perdu - crédits : De Agostini/ Getty Images

Milton, Le Paradis perdu

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    Au début du xxe siècle, un nom nouveau, celui de John Donne (1572-1631), s'est insinué et imposé entre Shakespeare et Milton, succession traditionnelle dans les histoires littéraires ; le profil de la littérature anglaise s'en est trouvé changé. On a même soutenu que dans cette littérature...
  • BLAKE WILLIAM (1757-1827)

    • Écrit par Claude DOUBINSKY, Régine LUSSAN
    • 5 465 mots
    • 6 médias
    L'influence de Milton sur la pensée de Blake ne le cède en importance qu'à celle de la Bible. Le grand poème que Blake lui dédie (Milton, 1804-1808) a pour objet, dans ses grandes lignes, de « sauver » Milton de la seule erreur dont il ait été victime – celle qui contraignit le poète puritain...
  • DELILLE JACQUES (1738-1813)

    • Écrit par Denise BRAHIMI
    • 976 mots

    Un an avant sa mort, Jacques Delille était considéré comme le plus grand des écrivains français vivants. En 1813, on lui fait des funérailles magnifiques. Pourtant, un siècle et demi après sa mort, un groupe de chercheurs clermontois s'interrogent sur la destinée posthume de leur compatriote et intitulent...

  • LE PARADIS PERDU, John Milton - Fiche de lecture

    • Écrit par Line COTTEGNIES
    • 934 mots
    • 1 média

    Essayiste infatigable lorsqu'il met sa plume au service de la république puritaine cromwellienne, John Milton (1608-1674) est aussi un poète brillant, auteur, entre autres, de grands poèmes épiques religieux. Parmi ces derniers, son chef-d'œuvre, Le Paradis perdu (1667), allait avoir...

Voir aussi