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JEREMIAH JOHNSON, film de Sydney Pollack

Au début des années 1970, le western avait évolué vers deux sous-genres antagonistes, d'un côté le « western spaghetti », de l'autre une série de films qui tentaient de peindre sous un jour réaliste l'histoire du Wild West américain. Même si Jeremiah Johnson fut plaisamment rebaptisé pour le marché italien « Corbeau Rouge, tu n'auras pas mon scalp », il appartient au second genre. La vie d'un personnage historique, Joe Johnston dit Crow Killer (« tueur de Corbeaux »), a d'ailleurs servi de modèle à celle du héros... Le film s'inscrit donc dans une série. Hollywood l'avait prudemment inaugurée en ce qui concerne les Indiens – Les Cheyennes (Cheyenne Autumn, 1964, de John Ford) –, ou les trappeurs – La Dernière Chasse (The Last Hunt, 1956, Richard Brooks) –, et lorsque Sydney Pollack s'attaqua à Jeremiah Johnson, Arthur Penn avait déjà réalisé Little Big Man (1967) et Elliot Silverstein Un homme nommé cheval (A Man Called Horse, 1970) – Michael Cimino et Clint Eastwood reprendraient le flambeau plus tard. Cependant, la structure du film de Pollack le rapproche aussi d'un genre fort à la mode à l'époque de sa sortie, le road-movie. Jeremiah se comporte en effet comme les héros des épopées beat et hippy du siècle qui succédera au sien, il « fait la route ». Des rencontres çà et là le retiennent quelques jours, il chemine parfois en compagnie de quelqu'un, mais toujours il repart, comme dans Easy Rider (Dennis Hopper, 1969) ou Point Limite Zéro (Vanishing Point, 1971, Richard T. Sarafian). Fatigué de la civilisation, Jeremiah cherche dans les grands espaces infoulés une authenticité que ses alter ego beat et hippy entreprendront de trouver dans les philosophies d'Extrême-Orient... Apocalypse Now, surtout dans sa version longue, reprendra cinq ans plus tard la structure du road-movie d'une façon qui le fera ressembler à Jeremiah Johnson, « coïncidence française » en prime : comme le héros du film de Coppola remonte l'histoire du Vietnam en suivant un fleuve qui le mène à d'anciens colons français, Jeremiah remonte l'histoire du Grand Nord américain en suivant une piste qui le mène a des Indiens chrétiens auxquels des missionnaires ont appris le français...

La vie d'en haut

Au cœur des montagnes Rocheuses, « la moelle du monde », Jeremiah Johnson a décidé de dire adieu à « la vie d'en bas ». Il a acheté un nécessaire de trappeur et a grimpé sans se retourner. Mais nous sommes au milieu du xixe siècle et de multiples dangers guettent le « pèlerin sans expérience » qu'il est : le froid, la faim, les loups, la tribu des Pieds-Noirs et celle des Corbeaux. Peu à peu, cependant, Jeremiah s'adapte. Griffe d'ours, un vieux trappeur, lui enseigne quelques astuces... Des circonstances fortuites le conduisent un jour à interrompre cette vie d'errance, pour se fixer en compagnie d'une squaw qu'il a reçue en présent et d'un enfant dont il a hérité de la responsabilité. On construit une maison, et le bonheur ne tarde pas à arriver. Hélas ! il sera de courte durée. Pour aider un détachement de cavalerie à secourir des colons accidentés, Jeremiah traverse un cimetière indien. En guise de représailles à ce qu'ils considèrent comme un insupportable sacrilège, les Corbeaux massacrent sa petite famille improvisée. Dès lors, le trappeur Jeremiah, lui-même devenu l'enjeu d'une traque, se double d'un tueur, plus amer et solitaire que jamais.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Laurent JULLIER. JEREMIAH JOHNSON, film de Sydney Pollack [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • POLLACK SYDNEY (1934-2008)

    • Écrit par Alain GAREL
    • 786 mots

    Sydney Irwin Pollack est né le 1er juillet 1934 à Lafayette, dans l'Indiana. Ses études terminées, il s'installe en 1952 à New York où il suit les cours d'art dramatique de Sanford Meisner à la Neighborhood Playhouse School of the Theatre. Après avoir servi deux ans sous les drapeaux, il reprend les...

Voir aussi