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DARRÉ JEANNE-MARIE (1905-1999)

La France l'a trop vite oubliée. Ailleurs, notamment aux États-Unis, Jeanne-Marie Darré est considérée comme l'une des plus grandes interprètes d'un siècle qu'elle a traversé presque dans son entier. Avec elle a disparu la dernière incarnation d'une brillante école française du piano, dont les caractéristiques très particulières se sont noyées dans l'uniformité des standards internationaux.

Jeanne-Marie Darré naît à Givet, dans les Ardennes, le 30 juillet 1905. Elle entre à dix ans au Conservatoire de Paris, où elle travaille le piano avec Marguerite Long puis Isidore Philipp, le solfège avec Eva Sautereau et l'harmonie avec Jean Gallon. À quatorze ans, en 1919, elle y remporte le premier prix de piano. Gabriel Fauré la conseille, Maurice Ravel lui fait répéter Ondine, première pièce de Gaspard de la nuit, Camille Saint-Saëns la guide dans l'approche de ses concertos : avec Liszt, qui ne cessera de la fasciner, ces quelques noms constituent l'ancrage essentiel de l'univers musical de Jeanne-Marie Darré.

Elle donne en 1920 son premier récital parisien. Tout en poursuivant sa formation à Budapest auprès du grand pianiste et compositeur Ernö von Dohnányi, elle enregistre en 1921 son premier disque en Grande-Bretagne et se produit pour la première fois avec orchestre en 1923, avec les Concerts Lamoureux sous la direction de Paul Paray. Elle n'a pas encore vingt ans quand elle réalise en mai 1926 un exploit « athlétique » resté inégalé : jouer dans la même soirée l'ensemble des cinq concertos pour piano de Saint-Saëns, cela sous la baguette de Paul Paray. Suit une longue carrière internationale – qui lui permettra de créer des pages signées Noël Gallon (Sonatine, 1931), Henri Martelli (Sonate pour violon et piano, 1938), Henri Rabaud (Prélude et toccata pour piano et orchestre, 1944) et Gabriel Grovlez (Fantasia Iberica pour piano et orchestre, 1944) –, avec en 1962 des débuts tardifs mais remarqués à New York, au Carnegie Hall, avec l'Orchestre symphonique de Boston sous la direction de Charles Münch.

On lui doit en 1957 la première au disque de l'intégrale des concertos pour piano de Saint-Saëns, avec l'Orchestre national de la Radiodiffusion française que dirige Louis Fourestier, un enregistrement qui demeure une référence. Elle mène parallèlement une intense activité de pédagogue : elle est de 1958 à 1975 professeur de piano au Conservatoire de Paris, enseigne à l'Académie internationale d'été de Nice à partir de 1959 et donne à Ithaca (États-Unis) trois saisons de masterclasses (1968, 1969 et 1970). Elle prend sa retraite au cours des années 1980 et meurt à Port-Marly, près de Paris, le 26 janvier 1999.

Jouer « français », c'est sans aucun doute, quand on écoute Jeanne-Marie Darré, cacher sous une apparente légèreté une quête obstinée de la virtuosité pure, de la rigueur sans concession et de la simplicité. Sa technique et son endurance digitale, de même que la parfaite égalité de son jeu, restent incomparables. Jeanne-Marie Darré aborde les partitions avec un rare scrupule, une grande intelligence et une utilisation de la pédale limitée au strict indispensable. Elle sait aussi les animer avec une vitalité rythmique, un abattage et une sonorité jubilatoire irrésistibles. Ni très charnu, ni très puissant, son piano nous amène parfois aux frontières de la sécheresse et de la froideur. Jeanne-Marie Darré aura cependant eu la sagesse de ne retenir au centre de son répertoire que des œuvres où elle était exceptionnelle.

— Pierre BRETON

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Pierre BRETON. DARRÉ JEANNE-MARIE (1905-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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