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PEYRON JEAN FRANÇOIS PIERRE (1744-1814)

La réputation et le génie de David ont précipité dans des ténèbres, à peine dissipées aujourd'hui par la curiosité des historiens d'art, plusieurs peintres français, relevant du néo-classicisme ; Peyron est l'un d'eux. « Il m'a ouvert les yeux », devait pourtant dire David de celui qui, en 1773, obtint contre lui le prix de Rome et put passer pour un des grands maîtres de la nouvelle école, de celui avec lequel on ne cessera de le comparer et de l'opposer, d'autant plus que leurs sujets furent souvent les mêmes et, qui plus est, exposés aux mêmes Salons. Il faut ajouter pour souligner la différence qui existe entre les deux peintres, que la Révolution ne fut pas favorable à Peyron qui y perdit ses protecteurs et son poste d'inspecteur des Gobelins ; il reste en fait, malgré quelques commandes officielles, à l'écart de la vie artistique. La conjoncture politique aida, peut-être trop brutalement, à rétablir la hiérarchie des talents, autant qu'elle favorisa les davidiens. Si, par rapport à David, l'antériorité de Peyron dans les voies du retour à l'antique n'est pas niable, il est plus intéressant pour nous de comprendre ce qui lui reste propre et l'éloigne de l'art de son rival : un goût, pourrait-on dire, du clair-obscur et de la couleur dense, un soin du détail et un métier lisse qui pouvaient sembler un peu appliqués et faibles à côté de l'héroïsme et de la simplicité davidienne, mais qui aujourd'hui séduisent par une qualité presque hollandaise du rendu.

Les Funérailles de Miltiade (1782, Louvre, autre version à Guéret, dessins à Alençon) et surtout La Mort d'Alceste (1785, Louvre), peut-être le chef-d'œuvre du peintre, ne permettent pas de douter de ses dons. Si la composition frontale du Miltiade est toute classique, la lumière, en faisant ressortir les bras de ceux qui emportent le cadavre du père et en tombant sur le fils qui prend sa place dans la prison, ne peut que faire penser au caravagisme raffiné d'un Orazio Gentileschi. Dans La Mort d'Alceste, le jeu précieux des draperies qui relient les personnages dans un net triangle a une perfection presque irréaliste, tandis que les éclatantes et larges surfaces colorées ont une intense valeur lyrique.

Voilà sans doute le talent de Peyron. On peut certes trouver que son Bélisaire recevant l'hospitalité d'un paysan (Toulon, 1785, version à Montauban) est plus descriptif, moins dense que le Bélisaire de David (Lille). Mais on ne peut pas ne pas être sensible à l'étrangeté de l'Agar et Ismaël de Nancy, qui a la séduction d'un Pier Francisco Mola. Peyron illustre une des tentations du néo-classicisme : retrouver, par la perfection et le fini du métier, la poésie du réalisme hollandais et prendre ses exemples dans l'art des grands Romains du xviie siècle, autre manière, moins archéologique mais tout aussi prenante, de renouveler le goût commun du retour à l'antique et au classicisme.

— Bruno FOUCART

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Pour citer cet article

Bruno FOUCART. PEYRON JEAN FRANÇOIS PIERRE (1744-1814) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • NÉO-CLASSICISME, arts

    • Écrit par Mario PRAZ, Daniel RABREAU
    • 8 074 mots
    • 13 médias
    ...Mort de Germanicus, avec le lit à l'antique et le rideau, qui devint un lieu commun de la peinture néo-classique, et Joseph Marie Vien, Mengs, Jean François Pierre Peyron traitèrent des épisodes tirés de l'histoire grecque et romaine) mais dans la manière de représenter les personnages comme...

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