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FERRAT JEAN (1930-2010)

« C'était un homme engagé mais il n'était pas hurleur de sentences. Il le faisait avec poésie. » C'est ainsi que Georges Moustaki dépeint son ami Jean Ferrat. Artiste porté par l'idéal communiste, depuis le début des années 1950, Ferrat a signé quelque deux cents chansons qui courent encore dans les rues, emportées par sa voix de velours. Ses colères et ses combats sont toujours enveloppés de ce timbre chaleureux, simple et élégant. Jamais encarté, il n'a eu de cesse de s'opposer à l'injustice, à la fuite des valeurs humanistes, à la victoire du cynisme et du profit. Il a ainsi rencontré un large public où intellectuels et ouvriers s'accordaient sur les évidences qu'il dénonçait, même si chacun portait une analyse en lien direct avec sa propre appartenance.

Jean Tenenbaum naît le 26 décembre 1930, à Vaucresson, dans la proche banlieue parisienne. Il est le plus jeune d'une famille de quatre enfants élevés par un père joaillier et une mère fleuriste. En 1935, ses parents s'installent un peu plus loin, à Versailles. Pas dans le Versailles des dynasties bourgeoises mais dans celui d'une famille modeste, laborieuse, aimante et protectrice. Les Tenenbaum ne possèdent pas de phonographe mais écoutent le concert du dimanche soir à la radio et, souvent, Madame chante des airs lyriques, légers, d'une jolie voix de soprano. Jean entre au collège Jules-Ferry de Versailles.

Survient la Seconde Guerre mondiale. Son père est juif, sa mère ne l'est pas. Très vite, son père est arrêté et déporté à Auschwitz ; il n'en reviendra pas. Le reste de la famille sera protégé et sauvé par des militants communistes. Mais, plus qu'à l'idéologie de ces hommes, c'est à leur générosité, à leur abnégation, à leur refus d'une autorité pervertie que Jean Ferrat restera fidèle jusqu'à son dernier souffle.

À quinze ans, il doit quitter le lycée pour aider sa famille. Il entame parallèlement des études de chimie qu'il abandonne très vite, succombant à son attirance pour la musique et pour le théâtre. Au début des années 1950, il fait partie d'une troupe de théâtre et commence à fréquenter les cabarets. Il compose quelques titres et devient guitariste dans un orchestre de jazz.

En 1956, après avoir porté différents pseudonymes (Jean Laroche, Franck Noël), il adopte définitivement celui de Jean Ferrat, emprunté à la ville de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Il met en musique le poème de Louis AragonLes Yeux d'Elsa. Jean Ferrat voue une grande admiration au poète français, dont, tout au long de sa carrière, il chantera nombre de textes. Son éditeur de l'époque a l'idée de faire interpréter ce titre par André Claveau, vedette très populaire, ce qui apporte au jeune artiste un début de notoriété. Mais les engagements ne se multiplient pas pour autant. Cette même année, il fait la connaissance de Christine Sèvres. Lui, guitare au bras, court les cabarets ; elle ne chante pas encore professionnellement. Tous deux cherchent à se faire connaître. Elle le voit chanter en public à La Rôtisserie de l'Abbaye, à Saint-Germain-des-Prés, il l'entend pour la première fois au Cheval d'Or. Ils se revoient chez des amis. « Elle était tellement contente de me voir qu'elle m'a filé un grand coup de poing dans le plexus et moi, je lui ai retourné une paire de baffes ! Alors, on s'est empoignés, il y avait un aquarium sur une table qui a volé... » (entretien du 18 mars 1989 sur France Culture, dans l'émission Opus de Véronique Estel et David Jisse). En juin 1956, tous deux jouent dans Cromwell à la Cour Carrée du Louvre. En 1957, Jean décroche un vrai contrat dans le cabaret parisien de Michel Valette, La Colombe, où il passe en première partie de Guy Béart, avec Anne Sylvestre, également débutante. Il enregistre[...]

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Pour citer cet article

Alain POULANGES. FERRAT JEAN (1930-2010) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARRANGEURS DE LA CHANSON FRANÇAISE

    • Écrit par Serge ELHAÏK
    • 7 929 mots
    • 3 médias
    ...débuts (Le Poinçonneur des lilas en 1958 ou La Chanson de Prévert en 1961) et à partir de 1960, il devient le chef d’orchestre-arrangeur attitré de Jean Ferrat, qu’il accompagnera durant toute sa carrière (Nuit et brouillard, Potemkine, La Montagne). Il signe aussi des scores pour Adamo (Inch’Allah...

Voir aussi