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CROTTI JEAN (1878-1958)

C'est à Bulle, bourgade de Suisse francophone du canton de Fribourg, d'une dizaine de milliers d'habitants, qu'est né Jean Joseph Crotti en 1878. Il était le plus jeune de trois enfants. Il avait un frère de cinq ans son aîné, André, appelé à devenir un chirurgien réputé, spécialiste de la glande thyroïde, et qui émigra aux États-Unis à la veille de la Première Guerre mondiale, dans l'Ohio. Il avait aussi, plus âgée que lui de seulement deux ans, une sœur, dont la mort, à seize ans, l'a profondément marqué.

Ses parents, originaires du Tessin, déménagent en 1887 pour Fribourg, où son père, peintre en bâtiment, ouvre sa propre entreprise. Contrairement aux espoirs de celui-ci, qui le voyait prendre sa succession, il décide, en 1898, de s'inscrire à l'école des Arts décoratifs de Munich, mais l'enseignement le déçoit. En 1901, après avoir brièvement travaillé auprès d'un décorateur de théâtre, il part pour Paris, étudier à l'Académie Julian, dont il suit les cours pendant un an.

Prenant un atelier près de la place Blanche, il s'engage dans une carrière artistique, aidé financièrement par son frère. En 1907, il envoie une toile au Salon des Indépendants. Insatisfait, il la détruit aussitôt après. En 1908, il expose au Salon d'automne. Il est influencé par les tendances picturales de l'époque, notamment par le pointillisme de Georges Seurat, puis le fauvisme, et enfin, plus durablement, par le cubisme. De 1909 à 1912, il peint des paysages où se superposent des cubes, des pyramides, des formes géométriques.

En 1914, l'atmosphère de la guerre lui étant difficilement supportable, il répond favorablement à une invitation de son frère à se rendre chez lui, aux États-Unis. Il quitte la France avec Yvonne Chastel, la jeune femme qu'il a récemment épousée. Au bout de quelques semaines, le couple s'installe à New York. Il y entre en relation avec les collectionneurs Walter et Louise Arensberg, qui organisent des soirées auxquelles sont invités les artistes d'avant-garde.

Se liant avec Francis Picabia et partageant un atelier avec Marcel Duchamp, Crotti – se transformant en dadaïste – connaît ce qu'il a appelé un second enfantement : « 1915 Naissance de Jean Crotti 2 par autoprocréation et self-accouchement et sans cordon ombilical », écrit-il en 1921 à l'intention du dossier Dadaglobe projeté par Tristan Tzara et resté inédit jusqu'en 1966.

En 1916, il expose à la galerie Montross de New York, en compagnie de Duchamp, Albert Gleizes et Jean Metzinger. Sa participation consiste en douze œuvres, dont trois constructions mêlant verre peint, métal et rebuts. L'une d'elles, de 1915, et qui a disparu, représentait un Portrait sur mesure de Marcel Duchamp.

En septembre 1916, le couple rentre à Paris. Crotti rencontre Suzanne Duchamp, sœur de Marcel, et il en tombe amoureux. Il l'épouse en avril 1919. Tous deux dadaïstes, ils exposent à Paris au premier Salon des Indépendants de l'après-guerre, en 1920, avec Picabia et Georges Ribemont-Dessaignes. Crotti participe ensuite à l'exposition Dada que met sur pied Tristan Tzara à la galerie Montaigne, en juin 1921. Il écrit, dessine, imprime des poèmes ou des tracts dadaïstes.

Mais sa collaboration au dadaïsme lui pose rapidement des problèmes intellectuels. Il rompt avec Tzara. Exposant au Salon d'automne de 1921 Mystère acatène, « premier essai de plastique TABU », il prétend enrichir dada d'une sorte de mysticisme. Dans un manifeste qu'il publie en octobre 1921, Tabu dada, il indique l'orientation de cette métamorphose : « Tabu est une Pensée nouvelle, une Expression nouvelle, une Religion nouvelle. [...] Nous voulons exprimer le Mystère, ce qui ne se peut voir, ce qui ne se peut toucher. »

À travers un ésotérisme illustrant toute une[...]

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Lionel RICHARD. CROTTI JEAN (1878-1958) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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