Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ANOUILH JEAN (1910-1987)

Les mythes de la pureté blessée

Toute l'œuvre d'Anouilh se situe sous le signe de la pureté blessée. Qu'il s'agisse de la jeune Antigone dont l'innocence est profanée par le cynisme de Créon, de Thérèse, l'héroïne de La Sauvage, ou de Gaston, le personnage central du Voyageur sans bagage, tous traînent derrière eux une enfance déçue. Le couple et la sexualité sont décidément invivables et l'argent pourrit tout. Seuls les pauvres et les chastes préservent leur pureté, mais les circonstances de la vie font que, précisément, on ne peut rester ni pauvre ni chaste.

À partir de ce postulat, les premières pièces d'Anouilh mettent en scène des révoltes. Gaston refuse son passé mais il sera sauvé à la fin par la pureté d'un enfant auquel il se compare. On pourra l'aimer « sans crainte de jamais rien lire de laid sur son visage d'homme ». Et Créon (Antigone) avoue à son fils Hémon : « C'est cela devenir un homme, voir le visage de son père, en face, un jour. » En réalité, si le bonheur est impossible, car le passé, inévitablement, trouble la minute présente, cela ne vient pas de ce que nous avons quitté le monde de l'enfance mais bien plutôt de ce que celle-ci a été pervertie par les adultes. Le mal est irrémédiable et les parents le transmettent naturellement aux enfants.

Quand les personnages de Jean Anouilh réussissent tout de même à grandir, ils se heurtent à des impossibilités fondamentales : le héros de Cher Antoine ne peut se faire aimer, non plus que L'Hurluberlu (1959) ; et le roi de Becket, ou l'Honneur de Dieu (1959) ne peut rien pour sauver son ami. De même, les domestiques de La Grotte témoignent d'une haine impuissante envers leurs patrons, car leurs envies et leurs bassesses sont en fin de compte les mêmes.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre ÉNARD. ANOUILH JEAN (1910-1987) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jean Anouilh en 1963 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jean Anouilh en 1963

Autres références

  • ANTIGONE, Jean Anouilh - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 534 mots
    • 1 média

    Antigone est une pièce en un acte de Jean Anouilh (1910-1987), directement inspirée des deux tragédies de Sophocle consacrées à la fille d'Œdipe :  Œdipe à Colone (402-401 av. J.-C.) et surtout Antigone (442 av. J.-C.). À sa création, le 4 février 1944 au théâtre de l'Atelier à...

  • LES ANTIGONES (TG STAN)

    • Écrit par David LESCOT
    • 972 mots

    Le nom de tg STAN a valeur de manifeste. Les initiales «  tg  » renvoient en flamand à Toneelspelersgezelshap (Compagnie d'acteurs) ; quant au sigle STAN, il signifie Stop Thinking about Names (« Cessez de penser aux noms »). Voilà qui définit le programme de ce collectif théâtral né...

  • DRAME - Drame bourgeois

    • Écrit par René POMEAU
    • 3 500 mots
    • 1 média
    D'autres prolongements sont discernables dans le théâtre du xxe siècle. Jean Anouilh fait défiler de grotesques figures dans la tradition du drame antibourgeois. Selon l'esprit du genre, la caricature fréquemment suggère ou dégage des idées. Le Voyageur sans bagages (1936) traite à ce...
  • TRAGÉDIE

    • Écrit par Bernard DORT, Jacques MOREL, Jean-Pierre VERNANT
    • 5 375 mots
    • 2 médias
    Pareil ajustement est l'une des grandes préoccupations du théâtre français de l'entre-deux-guerres. Cocteau, Giraudoux et Anouilh (qui, en 1972 encore, essayait une x-ième fois de raconter l'histoire d'Oreste dans Tu étais si gentil quand tu étais petit) ne cessent de flirter avec la...

Voir aussi