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TINBERGEN JAN (1903-1994)

Père de la macroéconométrie et du modèle social-démocrate qui s'est imposé en Europe du Nord, inlassable militant pour l'aide aux pays sous-développés, Jan Tinbergen était un scientifique rigoureux doublé d'un idéaliste, dont l'œuvre vise à concilier l'équité et l'efficacité économique. Il fut le premier — conjointement avec le Norvégien Ragnar Frisch — à recevoir, en 1969, le prix Nobel d'économie.

Né en 1903 à La Haye, Tinbergen reçoit une formation de physicien ; mais il est attiré par les questions sociales et s'intéresse à l'économie dès le milieu des années 1920. Sa thèse de doctorat, dirigée par Paul Ehrenfest — l'un des pères de la mécanique quantique —, est consacrée aux Problèmes de minimum en physique et en économie. Tinbergen dispose d'un solide bagage mathématique et statistique, qu'il met à profit dans le domaine économique. Dès 1930, il formule explicitement la notion d'anticipations rationnelles, développée trente ans plus tard par John Muth ; il construit le premier modèle dynamique ; il est le premier à résoudre des modèles par leur forme réduite. Mais, pour lui, si la science économique ne peut se priver d'hypothèses abstraites, l'économiste ne peut se dispenser de confronter celles-ci à la réalité, car elles doivent conduire à l'action. Professeur à l'université de Rotterdam (1933), il modélise en 1936 la dynamique de l'économie néerlandaise, anticipant une « courbe de Phillips » qui dégage les axes d'une politique de plein-emploi. Surtout, de 1936 à 1938, il rejoint le service économique de la Société des Nations, afin de vérifier statistiquement les théories du cycle recensées par Gottfried Haberler dans Prospérité et Dépression. Son rapport, publié en 1939, constitue la première expérimentation économétrique et amorce la tradition des grands modèles macroéconométriques.

Après cette pièce maîtresse de l'histoire de l'économétrie, Tinbergen multiplie les travaux sur la dynamique du cycle et aborde le problème de la croissance. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les autorités publiques néerlandaises l'appellent pour reconstituer l'infrastructure économique du pays. Tinbergen dirige le nouveau Bureau central du plan économique et inaugure le modèle de la politique sociale-démocrate de l'après-guerre ; il devient un des premiers théoriciens de la politique économique.

Tinbergen reprend en 1956 sa chaire à l'université de Rotterdam, et se consacre alors principalement à la question du développement ; l'O.N.U. lui confie la présidence du Comité de planification du développement. Tinbergen n'a jamais oublié que la finalité de la science économique se trouve dans l'homme et dans la société qu'elle doit servir, et cette caractéristique devient éclatante dans les travaux qu'il mène jusqu'en 1990. Il recherche le régime économique optimal, dont l'objectif ultime est le bien-être social, « considéré comme synonyme de l'intérêt général de la nation ou, en dernier lieu, de la population mondiale ». Pour cela, la modification de la répartition des revenus est la « clé de toute réforme sociale », sans oublier la diffusion de l'enseignement. Il aborde la question du développement sous ses multiples aspects. Surtout, l'optimum social est l'objectif d'un nouvel ordre mondial : Tinbergen plaide pour une division internationale du travail, pour des transferts internationaux de revenus et pour l'ouverture des pays industrialisés aux produits des pays en développement.

Pionnier de l'économétrie, théoricien subtil, excellent technicien, Tinbergen est avant tout un humaniste. Pour lui, les mathématiques, la statistique, l'économétrie trouvent leur raison d'être dans la recherche d'une[...]

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Pour citer cet article

Philippe LE GALL. TINBERGEN JAN (1903-1994) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • TECHNIQUES MODERNES DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE, Jan Tinbergen - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe LE GALL
    • 957 mots

    „La politique économique consiste dans la manipulation délibérée d'un certain nombre de moyens mis en œuvre pour atteindre certaines fins.“ Cette définition, à première vue aride, permet à Jan Tinbergen (1903-1994, Prix Nobel d'économie en 1969) de contribuer de manière magistrale...

  • MACROÉCONOMIE - Théorie macroéconomique

    • Écrit par Edmond MALINVAUD
    • 8 050 mots
    ...pas suffisantes pour concrétiser de façon réaliste le choix des valeurs à recommander pour les instruments de la politique budgétaire. Or le Hollandais Jan Tinbergen venait d'engager des recherches pour la construction de modèles macroéconométriques destinés à cela, mais non calqués sur la théorie keynésienne....
  • MATHÉMATIQUE ÉCOLE ÉCONOMIQUE

    • Écrit par François ETNER
    • 2 776 mots
    ...tendances est proposée dans les années 1930, avec un même vocable pour sceller leur union : « l'économétrie ». Les inventeurs de ce mot, Ragnar Frisch et Jan Tinbergen, qui partagent en 1969 le premier prix Nobel d'économie, préconisent de formaliser le système économique (dans son ensemble ou en...

Voir aussi