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STEINBERGER JACK (1921-2020)

L’Américain d’origine allemande Jack Steinberger fut un des grands spécialistes de la physique des particules au xxe siècle.

Né le 21 mai 1921 à Bad Kissingen (Allemagne), il est le fils du professeur de religion de la petite communauté juive de la station thermale d'alors. Embarqué avec trois cents autres enfants juifs allemands accueillis par des organisations juives américaines, il débarqua à New York avec son frère aîné en décembre 1934 et fut « adopté » par une famille de Chicago avant que ses parents et son jeune frère n'échappent à l'holocauste en émigrant en 1938. Après avoir obtenu un diplôme de technicien chimiste à l'institut de technologie d'Armour (Illinois), il travailla comme aide de laboratoire tout en poursuivant des études de chimie. À la fin de 1942, il s'engagea dans l'armée américaine et fut affecté au laboratoire des rayonnements du MIT (l'institut de technologie du Massachusetts) où il côtoya Julian Schwinger et Ed Purcell. La reddition du Japon lui permit de poursuivre des études supérieures de physique à l'université de Chicago et, en 1947-1948, il mit en œuvre et interpréta une expérience décisive qui démontrait que les muons cosmiques se désintégraient en trois corps (un électron, un neutrino et un antineutrino), donnée cruciale pour la compréhension de la structure de l'interaction nucléaire faible.

Engagé en 1949 comme assistant à l'université de Californie à Berkeley où il put effectuer les premières expériences de photoproduction de mésons π, mesurant leur durée de vie et établissant l'existence de l'état neutre π0, il refusa de signer la déclaration de loyauté anticommuniste et rejoignit en 1950 l'université Columbia de New York où les premiers faisceaux de mésons π permettaient de toutes nouvelles expériences de physique des particules. Il fut alors le premier à exploiter les possibilités offertes par les chambres à bulles inventées par Donald Glaser pour analyser les réactions de collision de particules. C'est ainsi qu'il put, avec ses collaborateurs, établir l'existence de la particule Σ et démontrer la violation de la parité dans la désintégration du Λ (les particules Σ et Λ sont des baryons, qui se distinguent du proton par un nombre quantique d'étrangeté non nul).

En 1962, avec ses collègues Leon Lederman et Melvin Schwartz, il réalisa une expérience fondamentale pour la compréhension de l'interaction nucléaire faible. En séparant les produits des désintégrations des mésons π, eux-mêmes produits lors des collisions des protons accélérés par le grand synchrotron de Brookhaven, ils purent obtenir le premier faisceau de neutrinos contrôlé. En dix jours, l'équipe put ainsi analyser le passage de quelque 1014 neutrinos dans un détecteur de 10 tonnes d'aluminium et enregistrer 51 collisions de neutrinos donnant toutes naissance à un muon. Ils vérifiaient ainsi qu'il y avait bien deux sortes de neutrinos, l'un attaché à l'électron (découvert en 1956), l'autre au muon et qu'ils venaient de mettre en évidence. On sait maintenant que nombre de particules élémentaires sont ainsi groupées par paires (dites d'isospin faible). Le prix Nobel de physique 1988 récompensa Lederman, Schwartz et Steinberger pour cette expérience historique.

En séjour au Cern de Genève à partir de 1964, il en devint chercheur permanent en 1968 ; il y coordonna une expérience remarquable sur la violation de la symétrie CP (la transformation CP, composée de la conjugaison de charge qui transforme toute particule en son antiparticule et de la parité qui inverse toutes les coordonnées d'espace, est liée au renversement du sens du temps) dans les mésons étranges neutres ; il mena, de 1977 à 1983, auprès du grand synchrotron du Cern (le SPS), l'étude des collisions de[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Pour citer cet article

Bernard PIRE. STEINBERGER JACK (1921-2020) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DÉCOUVERTE DU NEUTRINO MUONIQUE

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 209 mots

    Les physiciens américains Jack Steinberger (1921-2020), Leon Lederman (1922-2018) et Mel Schwartz (1932-2006) montrent en 1962 qu'il existe au moins deux sortes de neutrinos, l'un attaché à l'électron, l'autre au muon. L'expérience utilise le synchrotron du Laboratoire national de Brookhaven...

  • LEDERMAN LEON (1922-2018)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 457 mots
    • 1 média

    Né le 15 juillet 1922 à New York dans une famille d'émigrés russes, Leon Lederman servit trois ans dans l'armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale, puis fit ses études à l'université Columbia de New York où il soutint sa thèse en 1951. Nommé professeur de physique en 1958, il resta...

  • SCHWARTZ MELVIN (1932-2006)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 892 mots
    • 1 média

    Physicien américain, Prix Nobel de physique en 1988. Né le 2 novembre 1932 dans le quartier du Bronx à New York, Schwartz suit les cours du Bronx High School of Science, lycée exceptionnel par ses ambitions et sa fréquentation, d'où sont issus sept Prix Nobel de physique. Le jeune Melvin croise dans...

Voir aussi