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VAN DER GOES HUGO (1440 env.-1482 ou 1483)

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Un parcours artistique varié

<it>Triptyque Portinari</it>, H. Van der Goes, détail: iris - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Triptyque Portinari, H. Van der Goes, détail: iris

La première manière du peintre, après son accession à la maîtrise en 1467, s'esquisse autour du Retable Monforte (Staatliche Museen, Berlin). L'œuvre représente une Adoration des Mages qui est marquée par l'équilibre monumental et la sérénité de sa composition symétrique, baignée dans une lumière qui fait vibrer les couleurs chaudes et vives. Elle révèle un artiste en possession de ses moyens expressifs et fortement influencé par l'art de Jan Van Eyck. Van der Goes y excelle dans le rendu différencié des matières, des visages et des expressions. Les figures se détachent sur un arrière-plan architecturé construit autour d'une perspective centrale qui creuse vigoureusement l'espace. Projetés au premier plan, les personnages acquièrent une puissante monumentalité.

<it>Triptyque Portinari</it>, H. Van der Goes, détail: Margherita - crédits : Rabatti - Domingie/ AKG-images

Triptyque Portinari, H. Van der Goes, détail: Margherita

<it>Triptyque Portinari</it>, H. Van der Goes, détail: anges - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Triptyque Portinari, H. Van der Goes, détail: anges

Le Retable Portinari montre une nette évolution stylistique. L'influence de Rogier Van der Weyden laisse sa marque dans le parti pris résolument linéaire des volets. Ce recul en termes de plasticité et de rendu de l'espace s'accompagne aussi d'un intérêt moins marqué pour le traitement tactile des matières. La composition renonce à l'équilibre classique du Retable Monforte au profit d'une conception plus dynamique, qui se traduit jusque dans les visages où éclate une expressivité inconnue jusqu'alors. Parallèlement, un sentiment nouveau s'insinue dans l'œuvre : une profonde mélancolie la sous-tend, décelable sur les visages, dans les tonalités froides où dominent le bleu, le brun et le vert. Ce sentiment sourd aussi dans l'iconographie : la joie de la naissance de l'Enfant semble tempérée par la perspective de sa mort sur la croix.

On a attribué à la même phase stylistique le Retable Bonkil, commandé par l'Écossais Edward Bonkil, prévôt de la collégiale de la Sainte-Trinité à Édimbourg (National Gallery of Scotland, Édimbourg). La Déposition de Croix de Vienne (Kunsthistorisches Museum), œuvre empreinte d'une grande tristesse, pourrait avoir été peinte un peu plus tard.

<em>La Mort de la Vierge</em>, H. Van der Goes - crédits : J. Martin/ AKG-images

La Mort de la Vierge, H. Van der Goes

Les dernières productions du peintre approfondissent des tendances latentes, qui furent peut-être exacerbées par l'influence de la devotio moderna, mouvement spirituel pratiqué au Rouge-Cloître. Ces peintures, marquées par une intériorisation accrue, reflètent sans nul doute aussi l'état mental du peintre. Le processus de dématérialisation, amorcé dans le Retable Portinari, atteint son paroxysme dans la Mort de la Vierge (musée Groeninge, Bruges) : les apôtres aux visages marqués par des sentiments extrêmes de désespoir et d'abattement forment une arabesque lyrique autour de la mourante, tandis que le Christ, dans un halo, se prépare à accueillir sa mère. L'artiste semble avoir renoncé au rendu du monde sensible. La composition baigne dans une lumière surnaturelle qui désincarne les couleurs et les volumes. Il faut probablement placer parmi les dernières œuvres du peintre l'impressionnante Adoration des Mages de Berlin : dans une scène absolument statique, la course effrénée des bergers qui viennent voir l'Enfant est saisie en plein mouvement.

C'est vers cette époque sans doute que Van der Goes termine le portrait d'Hippolyte Berthoz, conseiller de Philippe le Beau, et de son épouse, sur le volet gauche du Retable de saint Hippolyte, commencé par Dirk Bouts (cathédrale Saint-Sauveur, Bruges).

— Dominique VANWIJNSBERGHE

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Dominique VANWIJNSBERGHE. VAN DER GOES HUGO (1440 env.-1482 ou 1483) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Diptyque, H. Van der Goes - crédits :  Bridgeman Images

Diptyque, H. Van der Goes

<it>L'Adoration des bergers</it>, H. Van der Goes - crédits :  Bridgeman Images

L'Adoration des bergers, H. Van der Goes

<it>Triptyque Portinari</it>, H. Van der Goes - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Triptyque Portinari, H. Van der Goes

Autres références

  • HUGO VAN DER GOES. ENTRE DOULEUR ET BÉATITUDE (exposition)

    • Écrit par
    • 1 105 mots
    • 1 média

    La réunion exceptionnelle d’œuvres de Van der Goes à la Gemäldegalerie de Berlin (31 mars-16 juillet 2023), entourée de témoignages du milieu artistique dans lequel sa formation s’est déroulée – d’œuvres parfois lointaines géographiquement, de Holbein l’Ancien au Maître de Moulins, qui portent l’influence...

  • JUSTE DE GAND (1435 env.-apr. 1475)

    • Écrit par
    • 454 mots
    • 6 médias

    Le peintre flamand qui travaille en Italie, à Urbin, entre 1473 et 1475, sous le nom de Giusto da Guanto, est généralement identifié avec le peintre Joos van Wassenhove, connu seulement par des archives.

    On possède fort peu de documents sur la vie de Juste de Gand. Il serait né à Gand. Reçu...

  • MAÎTRE DE MOULINS, JEAN HEY dit (actif entre 1480 et 1501)

    • Écrit par
    • 1 453 mots
    • 2 médias
    ...probablement de quelques années avant 1483, et d'autres encore, trahissent son origine flamande. Jean Hey connaissait visiblement les dernières œuvres de Hugo Van der Goes qui peut avoir été son maître. L'influence de Van der Goes est manifeste dans ses paysages, dans certaines compositions et, pour la ...
  • PIERO DI COSIMO (1461-env. 1521)

    • Écrit par
    • 1 288 mots
    • 5 médias
    ...Pollaiuolo, Luca Signorelli, mais aussi Léonard, Raphaël et, surtout, l'art du Nord : l'arrivée à Florence, vers 1482, du Retable Portinari de Hugo van der Goes fut en effet un événement capital. La production finale de Cosimo révèle une appréciation positive de l'idéalisme romain. Il a d'ailleurs...