HOSOE EIKOH (1933- )
Hosoe Eikoh, qui naît en 1933 à Yonezawa au Japon, décide de devenir photographe à l'âge de dix-huit ans après avoir remporté le grand prix du concours Fuji. Diplômé du Tokyo College of Photography en 1954, il choisit le statut de free-lance et signe deux ans plus tard son premier livre et sa première exposition personnelle An American Girl in Tokyo. Il abandonne rapidement le documentaire pour une approche narrative et subjective, et, en réaction à la domination du photojournalisme conformiste qui marque la période d'après Hiroshima, fonde l'agence indépendante Vivo (1959-1962) notamment avec Narahara Ikkô et Tômatsu Shomei. Sa rencontre avec le fondateur du butō Hijikata Tatsumi (1960) et avec l'écrivain Mishima Yukio (1961) va lui inspirer les deux directions essentielles de son œuvre : le nu d'une part, les mises en scènes symboliques d'autre part.
Dans un Japon où la nudité reste un sujet tabou, Hosoe Eikoh s'attache à capter la sensualité des corps, élaborant une écriture incandescente rythmée de gros plans et de contrastes violents entre les noirs et les blancs. Un peu dans l'esprit d'un Bill Brandt (dont il admire l'œuvre, tout comme celles d'Ansel Adams et d'Edward Weston), il traduit dans Man and Woman (1960) l'énergie dramatique du corps et des visages des danseurs puis, dans son livre Embrace (1971), saisit les étreintes des corps et les variations de la chair à la limite de l'abstraction. « J'ai essayé de poser la question de l'identité et du moi, en décrivant la qualité sensuelle et tactile de la chair, en sondant simplement une partie de corps. J'essaie de magnifier les corps nus et de les faire communier en représentant des formes abstraites et unisexes. »
Avec Hijikata Tatsumi, il réalise le film expérimental Naval and Atomic Bomb (1960), puis, explorant la force narrative et fantasmatique de la photographie, les images du livre Kamaitachi (1969), sorte de ballet mythique dans lequel la « présence magnétique et mystérieuse de Tatsumi Hijikata » incarne un démon compagnon du vent qui se joue des hommes.
À partir de 1961, il photographie les mises en scène narcissiques de Mishima Yukio pour le très baroque Barakei (Killed by Roses, 1963, réédité l'année du suicide de l'écrivain sous un nouveau titre Ordeal by Roses, 1970). « Le monde vers lequel j'ai été emporté sous l'enchantement de cet objectif était anormal, déformé, sarcastique, grotesque, sauvage... encore que cheminait souterrainement un courant de doux lyrisme », écrivit Mishima.
Hosoe dirige par ailleurs un film documentaire Judo and Modern Pentathlon (1964) pour les jeux Olympiques de Tōkyō, voyage à travers le monde, photographie l'architecture de Gaudi pour son livre The Cosmos of Gaudi (1978), organise des expositions aux États-Unis et au Japon, et dirige de nombreux ateliers dans le monde (universités de Phoenix, Columbia, Yosemite, Rencontres internationales de la photographie d'Arles de 1976 à 1979. À partir de 1975, il enseigne la photographie au Tokyo Institute of Polytechnic et dirige le Kiyosato Museum of Photographic Arts (KMoPa ) dans la préfecture de Yamanashi. Internationalement exposée et reconnue, son œuvre à Paris fit l'objet d'une rétrospective au Mois de la photo en 1982. Sa série Ukiyo-e Projections, Eikoh Hosoe's Photographic Theater fut présentée par la galerie Acte 2 en 2004. Dans cet hommage au butō, Hosoe met en scène les corps nus et blanchis des danseurs sur lesquels il projette des estampes japonaises classiques de « l'Ukiyo-e » (le monde flottant), comme des tatouages grandeur nature. Cette série marque le passage du maître à la couleur, et prolonge sa réflexion sur l'identité et sa quête sacrée du beau.
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Écrit par
- Armelle CANITROT : journaliste et critique photo
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