HADÉEN
L' Hadéen est une période de temps qui débute lors de l'accrétion de notre planète, il y a 4,568 milliards d'années (Ga), et qui se termine vers 4 Ga, âge des plus anciennes roches connues. Il correspond au premier éon de l'échelle des temps géologiques terrestres et est chronologiquement suivi par l'Archéen, le Protérozoïque et enfin par le Phanérozoïque. Le terme Hadéen a été inventé en 1972 par le géologue américain Preston Cloud, compte tenu des conditions extrêmement difficiles qui régnaient alors à la surface de la terre : il a donné à cet éon le nom du dieu grec des enfers, Hadès. Toutefois, la Terre étant une planète vivante dont la surface est perpétuellement remodelée par la tectonique des plaques et par les mécanismes superficiels d'érosion, les traces des 500 premiers millions d'années de son histoire ont pratiquement toutes été effacées. Seuls quelques minéraux (zircons) datant de cette période sont aujourd'hui connus. De ce fait, la représentation que l'on se fait de l'Hadéen est essentiellement fondée sur une approche théorique. De manière schématique, l'Hadéen peut être subdivisé en trois épisodes majeurs.
Premier épisode (4,567 à 4,40 Ga). Notre compréhension des premiers instants de la Terre repose non seulement sur des considérations théoriques mais aussi sur des comparaisons avec d'autres planètes telluriques (Lune, Mars, Vénus) où l'absence de tectonique des plaques a évité le remodelage permanent de leur surface, permettant ainsi la préservation des traces des premiers instants de leur histoire. Le premier événement global important consiste en la séparation du métal et des silicates contenus dans la planète : le métal, plus dense, a migré vers l'intérieur de la planète pour former le noyau alors que les silicates, moins denses, sont restés dans la partie externe pour donner naissance au manteau. Les datations à partir des radioactivités éteintes de certains isotopes (par exemple 182Hf) montrent que cette séparation s'est déroulée très tôt, environ 30 Ma après l'accrétion. Ce n'est qu'après la formation du noyau qu'a pu apparaître le champ magnétique qui protège encore aujourd'hui la surface de la Terre du vent solaire. C'est aussi au même moment que la chaleur libérée par différentes sources (énergie gravitationnelle d'accrétion, énergie radioactive, énergie libérée par la formation du noyau, etc.) s'est accumulée, ne pouvant être évacuée efficacement en l'absence de mouvement de convection interne. Cette énergie accumulée a induit la fusion de toute la partie externe de la jeune planète, ce qui a donné naissance à un océan magmatique. C'est au sein de celui-ci que s'est effectuée une première différenciation du manteau terrestre dont seul subsiste un enregistrement sous forme d'anomalie isotopique (par exemple 142Nd).
Deuxième épisode (4,40 à 4,0 Ga). En 2001, des datations ponctuelles sur des cristaux de zircon sédimentaires des formations de Jack Hills, en Australie, ont révélé une gamme d'âges allant de 4,4 à 3,8 Ga. Les roches dans lesquelles ces minéraux ont cristallisé ont été altérées, érodées et ont totalement disparu aujourd'hui ; seuls les cristaux de zircon particulièrement résistants ont été préservés. Ceux-ci contiennent des inclusions de quartz, de feldspath et de mica qui prouvent qu'ils ont cristallisé dans un magma de type granitique. Les granites étant les constituants quasi exclusifs de la croûte continentale, il est possible d'affirmer que cette dernière a commencé à se former sur Terre dès 4,4 Ga et que sa genèse a continué tout au long de l'Hadéen. En se basant sur des bilans isotopiques, le volume de la croûte continentale engendré avant 4,0 Ga a été évalué entre 10 et 15 p. 100 du volume de la croûte actuelle.
La constitution isotopique de l'oxygène (δ18O) des zircons des formations de Jack Hills a permis de démontrer que la source de leur magma hôte avait réagi avec de grands volumes d'eau liquide. Il en résulte que, dès 4,4 Ga, la température de surface de la planète était suffisamment basse pour permettre à l'eau d'exister dans son état liquide. L'océan magmatique était donc refroidi, et de vastes étendues d'eau (océans) étaient présentes à la surface de la Terre. Ce résultat est d'une grande importance car il implique que les conditions (eau liquide, continents) nécessaires à la mise en œuvre d'une chimie prébiotique ainsi qu'à l'apparition et au développement de la vie étaient potentiellement réunies moins de 150 Ma après l'accrétion de la planète. Cette période est généralement nommée Terre primitive froide (Cool Early Earth). Si les conditions étaient potentiellement favorables à l'apparition de la vie, on ne sait absolument pas si celle-ci est apparue ou non au cours de cette période.
Troisième épisode (4,0 à 3,9 Ga). Jusqu'au début des années 2000, en se basant sur l'intense cratérisation de la surface lunaire et en considérant que la Terre, plus massive, avait dû attirer un plus grand nombre de plus grosses météorites, il était communément admis que toute la période hadéenne avait été l'objet d'un fort bombardement météoritique continu. Ce modèle envisagerait une décroissance exponentielle du flux de météorites atteignant la surface terrestre. Or un bombardement intense pendant près de 600 Ma aurait du libérer une énergie telle que non seulement les océans mais aussi les silicates de la croûte et du manteau eussent été vaporisés. En 2005, une théorie a été élaborée : elle propose que le bombardement météoritique n'ait été qu'un phénomène épisodique n'ayant duré qu'entre 4,0 et 3,9 Ga. Cette période, correspondant à la fin de l'Hadéen et au début de l'Archéen, a été appelée « Bombardement intense tardif » (Late Heavy Bombardment). Aujourd'hui, les astrophysiciens l'expliquent par une modification des orbites des planètes géantes (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) qui a entraîné l'éjection d'une partie de la ceinture de Kuiper ainsi que de la partie interne de la ceinture d'astéroïdes vers la partie centrale du système solaire. La question qui reste ouverte consiste à savoir si le bombardement météoritique tardif a pu avoir ou non un effet stérilisateur (vaporisation partielle ou totale des océans, fusion de la croûte continentale) détruisant toute hypothétique vie antérieure.
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Écrit par
- Hervé MARTIN : professeur de sciences de la Terre à l'université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand
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ARCHÉEN
- Écrit par Hervé MARTIN
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...constituent les plus anciens morceaux de croûte continentale connus sur Terre à ce jour : ils ont été datés à 4,030 ± 0,003 Ga (Bowring and Williams, 1999). Cependant, en Australie, certains minéraux particulièrement résistants, des zircons, ont été préservés dans des sédiments ; ils ont donné des âges allant...
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