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VAN SANT GUS (1952- )

Psycho, un remake exemplaire

Séparés par Psycho, Will Hunting (1997) et À la rencontre de Forrester (2000) utilisent un thème classique du cinéma américain, celui de la transmission. Dans le premier, Sean, un psychothérapeute (Robin Williams), doit transmettre à Will (Matt Damon), un orphelin délinquant surdoué en mathématiques mais maltraité par son père adoptif, les bonnes valeurs américaines. On attend un classique mélodrame social et humain, jusqu’à ce que Will se révèle moins tenté par une rédemption spectaculaire qui mettrait à profit ses dons que par une vie simple. Plus encore que dans Prête à tout, Van Sant s’efface, se contentant d’accompagner l’enchaînement des faits et les tensions entre la personnalité de Will et ce qu’attend de lui la société.

La matière première d’À la rencontre de Forrester est encore moins originale. Jeune Noir du Bronx, Jamal est partagé entre ses talents de basketteur et son goût pour l’écriture. Un vieil écrivain ermite, Forrester (Sean Connery), en panne d’écriture depuis son premier et unique best-seller, va aider Jamal à développer son talent littéraire. Lui-même retrouvera une bouffée d’inspiration… Les deux films sont de beaux et impersonnels exercices de style. Ils obtiennent un confortable succès public. Will Hunting a reçu l’oscar du meilleur second rôle pour Robin Williams et celui du meilleur scénario pour Ben Affleck et Matt Damon.

Psycho (1998) pose cette question de la transmission d’une façon à la fois radicale et plus formelle, mal comprise et parfois violemment rejetée à l’époque. Après plusieurs refus, Gus Van Sant obtient en 1998 d’Universal la possibilité de réaliser un remake presque parfait du célèbre Psychose d’Hitchcock (1960). Les remakes impliquent toujours une transformation, une rénovation (technique, comédiens…), une mise en relation avec le contexte social et politique. Van Sant, lui, se limite au passage à la couleur, à une certaine crudité (violence, sexe) et recourt évidemment à de nouveaux acteurs. Pour le reste, à quelques détails près, c’est une copie plan par plan qui est proposée, où durées, cadrages, points de vue, mouvements de la caméra et des acteurs sont identiques à ceux du film de départ. Pourtant, Psycho (1998) n’est pas le Psychose d’Hitchcock. L’origine du second est plutôt à chercher du côté de l’histoire des arts plastiques. On songe par exemple au geste du peintre Robert Rauschenberg effaçant en 1953 un dessin de De Kooning et l’intitulant Erased De Kooning. Pas plus que Rauschenberg ne gomme l’expressionnisme abstrait, Van Sant ne renvoie Hitchcock au néant. Il manifeste plutôt un rapport autre de l’artiste à l’œuvre (re)produite : Psycho épuise le modèle hitchcockien, le dépouille de son aura et de son sens. Devenu une œuvre mythique, le Psychose d’Hitchcock n’était en 1960 qu’un coup de bluff trivial, cinglant et risqué. Psycho, lui, est une expérience conceptuelle qui éclaire la démarche ultérieure de Gus Van Sant et son interrogation sur la place du cinéma, de l’art, du créateur dans le monde contemporain.

En 2002, après À la rencontre de Forrester, Gus Van Sant reprend la voie d’un cinéma moins confortable mais de nouveau « independant ». Gerry (2002) est en effet un film américano-argentino-jordano-suisse écrit au fur et à mesure du tournage par le réalisateur et les deux acteurs, Matt Damon et Casey Affleck. Le couple de héros masculins au cœur de la majorité des films de Gus Van Sant depuis MalaNoche se retrouve ici, leur gémellité étant renforcée par leur homonymie : Gerry. Le film part d’un fait divers minimaliste : deux jeunes gens sont partis pour une balade dans le désert. Un seul en est revenu… Cette traversée d’un désert peut renvoyer à une tradition hollywoodienne, rappelant la conquête de terres vierges et la « naissance d’une nation ». Mais [...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. VAN SANT GUS (1952- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ELEPHANT (G. Van Sant)

    • Écrit par N.T. BINH
    • 1 019 mots

    Réalisateur singulier, Gus Van Sant débuta au milieu des années 1980, avec des films longtemps restés inédits en France (MalaNoche, 1985). Également peintre, musicien et photographe, il a élu domicile à Portland, dans l'Oregon. C'est dans cette ville qu'il situe l'action de la plupart de ses films....

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Le théâtre et le cinéma

    • Écrit par Geneviève FABRE, Liliane KERJAN, Joël MAGNY
    • 9 328 mots
    • 11 médias
    Bien plus surprenantes sont les différences que l'on perçoit dans les œuvres deGus Van Sant, entre des films aussi remarquables que My Own Private Idaho (1991) ou Prête à tout (1995), qui impose la star Nicole Kidman, et Psycho (1998), un remake aussi navrant qu'inutile du film d'Hitchcock. Arrive...

Voir aussi