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GROUPES (mathématiques) Vue d'ensemble

Les idées de symétrie et de régularité se retrouvent dans toutes les civilisations, bien avant que ne fût conçue la notion de groupe : par exemple, presque tous les groupes discrets de déplacements du plan (il y en a dix-sept types non isomorphes) sont sous-jacents aux multiples ornements géométriques imaginés par les artistes arabes. Les Grecs, dans leur géométrie, ont été très tôt intéressés par les propriétés de régularité, et on sait que le couronnement des Éléments d'Euclide est la construction des cinq polyèdres réguliers, ce qui, en substance, revient à la détermination des groupes finis de rotations dans l'espace à trois dimensions.

Toutefois, la notion de groupe n'apparaît explicitement qu'au cours des travaux sur la résolution des équations algébriques « par radicaux », au début du xixe siècle ; développant une idée de Lagrange, Ruffini et Cauchy sont amenés à considérer les groupes de permutations des racines d'une équation algébrique qui laissent invariantes certaines fonctions de ces racines ; et c'est en approfondissant cette idée que Galois obtiendra ses résultats décisifs sur la résolution par radicaux. Ces premiers groupes sont donc des groupes finis, et c'est sous la forme de la théorie des groupes de permutations que la théorie générale des groupes finis commencera à se développer (notamment chez Mathieu et Jordan) jusque vers 1870. Les débuts de la cristallographie mathématique (vers 1830) font apparaître d'autres groupes finis, cette fois formés de rotations et de symétries laissant un point fixe ; enfin, Jordan, en 1868, aborde franchement l'étude des groupes de déplacements (finis ou non) dans l'espace euclidien à trois dimensions. Un peu plus tard, Klein et Poincaré feront des groupes de déplacements non euclidiens le fondement de leur théorie des fonctions automorphes, tandis que Lie, cherchant à réaliser pour les équations différentielles ce que Galois avait fait pour les équations algébriques, crée la théorie générale des groupes continus de transformations (actuellement appelés groupes de Lie). En même temps, Klein est amené, par ses réflexions sur les fondements de la géométrie « élémentaire », à mettre la notion de groupe de transformations à la base même de cette branche des mathématiques, qui devient un simple chapitre de la théorie des groupes classiques développée depuis Jordan pendant toute la fin du xixe siècle.

Il faut attendre la fin du xixe siècle pour que la structure de groupe telle que nous la concevons aujourd'hui soit enfin définie de façon intrinsèque (et non plus en se restreignant au cas où les éléments du groupe sont des transformations). Depuis lors, la notion de groupe a envahi toutes les mathématiques contemporaines. On s'est, d'une part, aperçu du caractère protéiforme de l'idée de groupe, débordant largement le concept initial de groupe « ensembliste » (groupes topologiques, groupes algébriques, schémas en groupes et, plus généralement, « objets en groupes » d'une catégorie représentant un foncteur représentable de cette catégorie dans la catégorie des groupes) ; on a, en outre, découvert de surprenantes relations entre des types de groupes très divers (par exemple entre les groupes de Lie, les groupes algébriques, les groupes « arithmétiques » et les groupes finis). D'autre part, l'expérience a montré l'extraordinaire efficacité de la notion de groupe dans toutes les parties des mathématiques, une fois qu'on parvient à l'y introduire : groupes d'homologie et d'homotopie en topologie algébrique (cf. topologie – Topologie algébrique), espaces fibrés principaux en géométrie différentielle et en topologie différentielle (cf. variétés différentiables et topologie – Topologie différentielle) en sont des exemples bien[...]

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Pour citer cet article

Jean DIEUDONNÉ. GROUPES (mathématiques) - Vue d'ensemble [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALGÈBRE

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 7 143 mots
    La structure de groupe est une des structures algébriques les plus simples et, sans conteste, la plus importante des mathématiques modernes. Son universalité ne s'arrête pas là : le psychologue Piaget a mis en évidence le rôle essentiel joué par cette notion dans les mécanismes mêmes de la pensée, et...
  • ALGÉBRIQUES STRUCTURES

    • Écrit par Jean-Marie PRUVOST-BEAURAIN
    • 29 463 mots
    Un groupe peut être défini indifféremment comme un monoïde (E, l) tel que tout élément de E soit symétrisable, ou comme un magma associatif unifère (E, l) tel que tout élément de E soit symétrisable, ou comme un groupoïde ayant un et un seul élément neutre. Tout semi-groupe fini est un groupe....
  • BOREL ARMAND (1923-2003)

    • Écrit par Pierre CARTIER
    • 795 mots

    En 1992, le mathématicien Armand Borel a reçu le prix international Balzan « pour ses contributions fondamentales à la théorie des groupes de Lie, des groupes algébriques et des groupes arithmétiques, et pour son action inlassable en faveur de la recherche mathématique et de la propagation...

  • BURNSIDE WILLIAM SNOW (1852-1927)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 394 mots

    Mathématicien britannique, spécialiste de la théorie des groupes. Né le 2 juillet 1852 à Londres (Grande-Bretagne) d'un père écossais, William Snow Burnside fait ses études supérieures au Pembroke College de l'université de Cambridge, dont il est diplômé en 1875 et où il effectue ses recherches...

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