GRANITES ET RHYOLITES
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Altération
Le granite est certainement la roche dont l'altération a, depuis toujours, été le plus étudiée. Cela tient sans doute au fait non seulement qu'elle couvre environ 20 p. 100 de la surface des terres émergées, mais aussi que, par rapport à celui des autres matériaux, le manteau superficiel de décomposition est, sous tous les climats du globe, relativement épais. Or une telle particularité peut être liée à deux caractéristiques pétrographiques. D'abord, le granite est essentiellement une roche grenue, c'est-à-dire formée par la juxtaposition de minéraux plus ou moins engrenés les uns dans les autres, mais dont la taille est relativement grande, puisqu'elle est habituellement comprise entre quelques fractions de millimètre et quelques centimètres. Par ailleurs, si l'on se place du point de vue de la fragilité des minéraux vis-à-vis des phénomènes superficiels, c'est une roche constituée par deux catégories très distinctes de constituants : la première comprend les particules de quartz, feldspath potassique et muscovite, qui sont très résistantes à l'altération chimique ; la seconde, des minéraux vulnérables, tels les plagioclases et la biotite.
Considérant maintenant les phénomènes de la décomposition climatique, qui sont sous la dépendance de l'action de l'eau, il est possible de mettre en évidence deux grands « modes » d'altération des granites à la surface du globe. L'un, dû à une hydrolyse ménagée, se rencontre principalement dans les régions extratropicales (zones tempérées notamment, mais aussi zones froides ou arides) : c'est l'arénisation ; l'autre résulte d'une hydrolyse intense et caractérise les régions intertropicales : il s'agit de l'altération latéritique. Entre ces deux cas extrêmes, on peut cependant reconnaître, dans les régions méditerranéennes chaudes ou dans les régions subtropicales, un type d'altération spécifique mettant en jeu une hydrolyse ménagée.
Arénisation
Dans de nombreux pays de la zone tempérée, les socles granitiques sont, en l'absence de phénomènes d'érosion, altérés sur une épaisseur qui est en moyenne de l'ordre de 3 ou 4 mètres, mais qui peut aller jusqu'à une dizaine de mètres ; de ce fait, ils laissent apparaître en surface une formation meuble de couleur beige et à texture conservée, au sein de laquelle demeurent quelques masses non altérées et plus ou moins arrondies (boules) : c'est ce qu'on appelle une arène ou encore un gore dans certaines régions de France (fig. 9).
Un chaos granitique est formé par accumulation de grosses boules granitiques dégagées par l'érosion (circulation des eaux et gel dans le réseau de fissures, action du vent et des végétaux).
Crédits : Jacques-Marie Bardintzeff
Profil d'un manteau d'arène : coupe de l'Abattoir dans le Morvan (d'après J. Dejou).
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Il s'agit essentiellement d'un matériau grossier, puisque les sables et graviers représentent de 70 à 80 p. 100 du total et que la fraction argileuse oscille autour de 1 à 2 p. 100 (tabl. 2) ; d'où le nom d'arènes maigres qui leur a été donné par F. Lelong. Tous les minéraux du granite y sont présents à l'état sain, mais plus ou moins craquelés ou fractionnés (pulvérisation). En outre, les plagioclases et les biotites ont quelque peu évolué : les premiers sont devenus friables, poudreux et sont même plus ou moins transformés en argiles de néogenèse (photo 1) ; quant aux paillettes de biotite, elles présentent un aspect mordoré caractéristique.
Manteaux d'altération : composition
Constitution des manteaux d'altération granitique.
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Ainsi, on se trouve dans ce cas en présence d'une altération chimique relativement faible (tabl. 3), alors que la désagrégation tend à se propager aisément à l'intérieur de la masse granitique, du fait de la structure grenue et, en même temps, de la présence d'un réseau de diaclases (photo 2). D'autres travaux ont réussi à expliquer cet état de choses : l'attaque ménagée se concentre sur les seuls minéraux vulnérables (plagioclases, biotites) ; les plagioclases sont hydrolysés et donnent naissance à des minéraux secondaires submicroscopiques du type montmorillonite, kaolinite ou même gibbsite (J. Dejou, P. Maurel, Y. Tardy), tandis que le calcium et le sodium libérés par cette décomposition s'échangent avec le potassium des biotites, qui sont, de ce fait, vermiculitisées, c'est-à-dire transformées en édifices phylliteux gonflants et hydratés (M. Robert) : d'où la mise en œuvre, en certains points de la masse granitique, de contraintes résultant de ces forces d'expansion, contraintes qui sont alors susceptibles de disjoindre les minéraux et d'entraîner de proche en proche la désagrégation de la roche sur une certaine épaisseur (photo 3). Il faut cependant noter qu'au sein de ces arènes, apparemment homogènes, il est possible de mettre en évidence une série de « microsystèmes » en fonction des [...]
Formations d'altérations : composition
Composition chimique globale des formations d'altération (J. Dejou, F. Lelong).
Crédits : Encyclopædia Universalis France
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Écrit par :
- Bernard BONIN : professeur à l'université de Paris-Sud
- Jean-Paul CARRON : professeur de géologie à l'université de Bretagne-Occidentale, Brest
- Georges PÉDRO : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique, membre de l'Académia Europaea
- Michel ROBERT : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique, chargé de mission auprès du ministre de l'Écologie, membre de l'Académie d'agriculture de France
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Pour citer l’article
Bernard BONIN, Jean-Paul CARRON, Georges PÉDRO, Michel ROBERT, « GRANITES ET RHYOLITES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 05 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/granites-et-rhyolites/