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STEIN GERTRUDE (1874-1946)

Née à Alleghany (Pennsylvanie), dans une famille d'émigrants juifs allemands, Gertrude Stein passe la plus grande partie de son enfance à Oakland (Californie). Étudiante en psychologie à Radcliffe College (Harvard), elle suit des cours de William James et publie avec Leo Solomons un article sur des expériences d'écriture automatique. En 1897, elle commence des études de médecine à l'université Johns Hopkins à Baltimore, mais elle les interrompt en 1901. Elle s'installe à Paris en 1904 avec son frère Leo, après avoir terminé son premier roman, Things as they are, qui ne sera publié qu'après sa mort. Leo et Gertrude Stein entreprennent une collection de peintures, achetant notamment en 1905, au Salon d'automne, la Femme au chapeau de Matisse. Ils sont parmi les premiers défenseurs de Picasso. Un autre frère de Gertrude, Michaël Stein, est, lui, l'un des grands collectionneurs américains d'impressionnistes. En 1907, Gertrude Stein rencontre Alice B. Toklas, qui allait devenir sa compagne jusqu'à sa mort. Son premier livre, Three Lifes (Trois Vies, 1954), est publié en 1909, et, en 1911, elle achève son chef-d'œuvre de prose narrative, l'immense Making of Americans (Américains d'Amérique, 1971) qui ne paraîtra, et encore à compte d'auteur, qu'en 1925 à Paris. Par son amitié avec Braque et surtout avec Picasso et Juan Gris, elle est mêlée à l'aventure du cubisme et tente, au cours des années précédant la Première Guerre mondiale, de transposer, dans son propre domaine, le langage, ce qui lui semble être l'essence novatrice de ce qu'elle appelle le « grand moment de la peinture ». C'est ce qui apparaît principalement dans Tender Buttons (Tendres Boutons, 1914), premier en date des grands livres majeurs de la poésie moderne de langue anglaise, puisqu'il précède à la fois le début des Cantos d'Ezra Pound et le Waste Land de T. S. Eliot. Dans les années 1920, le salon du 27, rue de Fleurus est un des lieux de rencontre de l'avant-garde américaine et de ce que l'on nomme la « génération perdue ». Gertrude Stein est alors l'amie de Scott Fitzgerald, de Sherwood Anderson et d'Ernest Hemingway qu'elle influence beaucoup à ses débuts. C'est dans cette même période qu'elle écrit, dans le style répétitif qui porte sa marque, aussi bien prose que poème, que pièces de théâtre, portraits verbaux et manifestes théoriques, bouleversant à la fois la tradition de la langue littéraire anglaise et les distinctions entre les genres. Mais sa notoriété ne dépasse pas alors celle des petites revues comme Transition, et elle ne peut pratiquement pas trouver d'éditeur pour ses livres, à l'exception de Geography and Plays (1922, préfacé par Sherwood Anderson) et de sa conférence Composition as Explanation que Leonard et Virginia Woolf accueillent en 1926 dans leur Hogarth Press. Pour réagir contre ce qui lui paraît être son isolement et une méconnaissance injuste de son importance, elle écrit en un mois, à la fin d'octobre 1932, l'Autobiographie d'Alice B. Toklas (1973). D'une lecture aisée, ce texte anecdotique, vif et drôle, où l'auteur parle essentiellement d'elle-même sous la voix caustique et parfaitement reconnaissable d'Alice, parut en 1933 ; ce fut un succès considérable, le best-seller dont Alice et Gertrude rêvaient, très probablement à cause de l'intérêt grandissant que l'on portait alors à la peinture toujours scandaleuse de Picasso, qui y occupe une place importante. En 1935, Gertrude Stein fait aux États-Unis une tournée de conférences triomphale ; triomphe de curiosité, de la part d'un public mis en présence de l'animal fabuleux qu'est pour l'Amérique rooseveltienne un écrivain d'avant-garde qui est, de surcroît, juive, femme, monumentale et célibataire vivant avec une autre femme. Le livre tiré[...]

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Écrit par

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Pour citer cet article

Jacques ROUBAUD. STEIN GERTRUDE (1874-1946) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CUBISME

    • Écrit par Georges T. NOSZLOPY, Paul-Louis RINUY
    • 8 450 mots
    ...fut sans doute en partie suggérée parce qu'il peignait de mémoire, hors de la présence de modèles. Il convient de citer à ce propos le mot de Picasso à Gertrude Stein, dont il était en train d'exécuter le portrait (1906, Metropolitan Museum, New York) : « Quand je vous regarde, je ne vous vois plus . »...
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    ...imagiste en Angleterre, et bien entendu enfin des exilés célèbres, Hemingway, Dos Passos, Fitzgerald, Thomas Wolfe, E. E. Cummings, avec leur doyenne, Gertrude Stein, qui dans une œuvre au titre révélateur, The Making of Americans (1925), s'interroge sur la formation complexe et ambiguë du peuple américain....
  • GÉNÉRATION PERDUE

    • Écrit par Jean-Paul MOURLON
    • 288 mots
    • 2 médias

    Au sens large, la génération postérieure à la Première Guerre mondiale ; mais, de façon plus précise, le groupe d'écrivains américains parvenus à l'âge adulte pendant la guerre et qui bâtirent leur réputation littéraire au cours des années vingt. Le terme a pour origine une remarque faite par ...

  • HEMINGWAY ERNEST (1899-1961)

    • Écrit par Roger ASSELINEAU
    • 2 813 mots
    • 2 médias
    ...s'imposa une discipline rigoureuse, se mêla très peu aux autres expatriés américains, comme on le voit dans Paris est une fête, fréquenta avant tout Gertrude Stein et Sylvia Beach, qui ont toutes les deux parlé de lui dans leurs mémoires (Autobiographie d'Alice B. Toklas et Shakespeare and Company...

Voir aussi