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HEMINGWAY ERNEST (1899-1961)

Ernest Hemingway correspondant de guerre - crédits : Kurt Hutton/ Getty Images

Ernest Hemingway correspondant de guerre

Ernest Hemingway est le représentant le plus typique de ce qu'on a appelé la «   génération perdue ». On désigne par ce terme, aux États-Unis, la génération jetée dans la Première Guerre mondiale, sacrifiée en quelque sorte aussi bien moralement que physiquement, car les survivants en étaient souvent revenus terriblement désabusés. Ils étaient partis pour une croisade et n'avaient vu partout en Europe que des horreurs, des massacres absurdes et des victimes pitoyables. Après une si retentissante faillite de leur idéal, il leur avait été impossible de croire plus longtemps aux notions de gloire, d'honneur, de patrie, qui avaient causé tant de souffrances. Les œuvres des écrivains américains de cette génération ont donc remis en question toutes les valeurs morales et les vertus traditionnelles et exprimé avant tout un grand désarroi et un immense désenchantement. Cependant, la vie a fini par être la plus forte. Peu à peu, les plaies morales se sont refermées et certains de ces écrivains, dont Hemingway, se sont efforcés de redonner sens et valeur à l'aventure humaine. Aussi son œuvre dessine-t-elle une courbe assez harmonieuse, qui va du scepticisme négateur et profondément désespéré de ses premiers romans aux affirmations et au stoïcisme de sa maturité.

De l'innocence américaine à l'expérience européenne

Hemingway sortait d'un milieu très bourgeois et très pieux. Un de ses oncles avait été missionnaire en Chine (comme les parents de Pearl Buck). Son père était gynécologue et sa mère, qui avait voulu devenir cantatrice, avait renoncé à sa carrière pour se consacrer au foyer. Elle semble avoir été très abusivement dominatrice. Le couple s'était fixé dans une petite ville cossue de la banlieue de Chicago, Oak Park, où Ernest Hemingway passa toute son enfance dans une atmosphère assez étouffante et très puritaine, mais d'où il avait l'occasion de s'échapper tous les étés pour vivre en sauvageon, un peu comme Tom Sawyer ou Huckleberry Finn, dans la maison d'été de la famille, au milieu des bois qui entourent le lac des Wallons au nord du Michigan. C'est là qu'il fit son apprentissage de chasseur et de pêcheur sous la conduite de son père. Il a utilisé les souvenirs de cette époque dans tout un cycle de contes consacrés à la jeunesse d'un héros imaginaire, Nick Adams qui, en fait, n'est autre que lui-même.

Il aimait trop la vie et tenait trop à échapper à l'influence de sa famille pour accepter, comme le voulaient ses parents, de faire des études dans une université. Dès sa sortie de l'excellente high school d'Oak Park, où il avait été un très bon élève, il se lança dans le journalisme et devint reporter au Kansas City Star, l'un des meilleurs quotidiens américains de l'époque. Le rédacteur en chef lui imposa un certain nombre de règles qu'il ne devait jamais plus oublier : « Faites des phrases courtes. Faites des introductions courtes. Servez-vous d'un anglais vigoureux. Soyez affirmatif et non pas négatif... »

Sur ces entrefaites les États-Unis entrent en guerre. Hemingway voudrait aller se battre en Europe, mais il ne peut s'engager à cause de sa mauvaise vue. Il ne réussit à partir qu'en avril 1918, lorsqu'il est accepté comme conducteur d'ambulance par la Croix-Rouge italienne. Peu de temps après se produit le grand événement de sa vie : le 8 juillet 1918, au petit jour, à Fossalta di Piave, sur le front austro-italien, alors qu'il distribuait du chocolat et des cigarettes en première ligne, un obus tombe sur un groupe d'hommes dont il faisait partie. Un des hommes est tué, un autre est grièvement blessé. Hemingway, touché lui-même aux jambes, prend ce blessé sur le dos et essaie de gagner l'arrière. Il est par deux fois touché par un tir de mitrailleuse, mais il réussit à atteindre un poste de secours. Une vingtaine[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Roger ASSELINEAU. HEMINGWAY ERNEST (1899-1961) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Ernest Hemingway correspondant de guerre - crédits : Kurt Hutton/ Getty Images

Ernest Hemingway correspondant de guerre

Pour qui sonne le glas, S. Wood - crédits : Hulton Archive/ MoviePix/ Getty Images

Pour qui sonne le glas, S. Wood

Autres références

  • ANDERSON SHERWOOD (1876-1941)

    • Écrit par Jean-Paul ROSPARS
    • 799 mots

    Très peu connu en France, Sherwood Anderson a laissé une œuvre diverse et importante : une trentaine de volumes où alternent romans, nouvelles, poèmes en prose, reportages et autobiographies très libres, publiés entre 1916 et 1941 ; une œuvre qui a suscité d'âpres controverses, qui a été ensuite relativement...

  • BACALL LAUREN (1924-2014)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 647 mots
    • 1 média
    ...de l'angoisse (To Have and Have Not, 1944). Hawks avait beaucoup transformé, avec la collaboration de William Faulkner et de Jules Furthman, le roman d'Ernest Hemingway, conservant ce qui correspond au premier quart du film. En centrant l'intrigue sur les relations du couple Harry Morgan/Mary Browning...
  • CORRIDA

    • Écrit par Barnaby CONRAD
    • 10 675 mots
    • 7 médias
    ...précise, détaillée et objective de la tauromachie, et certainement aussi le plus influent, fut Death in the Afternoon (Mort dans l'après-midi, 1932) d'Ernest Hemingway. L'écrivain intégra également des scènes de tauromachie dans ses romans Le soleil se lève aussi (1926) et Pour qui sonne...
  • GÉNÉRATION PERDUE

    • Écrit par Jean-Paul MOURLON
    • 288 mots
    • 2 médias

    Au sens large, la génération postérieure à la Première Guerre mondiale ; mais, de façon plus précise, le groupe d'écrivains américains parvenus à l'âge adulte pendant la guerre et qui bâtirent leur réputation littéraire au cours des années vingt. Le terme a pour origine une remarque faite par ...

Voir aussi