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HAENDEL GEORG FRIEDRICH (1685-1759)

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La manière haendélienne

Notre indifférence à l'œuvre haendélienne contraste avec l'admiration que lui ont portée les musiciens qui furent ses successeurs immédiats. Entendant Le Messie au cours d'un de ses voyages londoniens, le vieux Haydn découvre des voies nouvelles qui le conduiront aux deux grands oratorios, La Création et Les Saisons. Mozart transcrit Haendel, « celui d'entre nous qui sait le mieux ce qui fait grand effet [...]. Quand il le veut, il frappe comme le tonnerre ». Beethoven dit de Haendel qu'il est « le plus grand, le plus savant compositeur qui ait jamais vécu », et ajoute : « Je voudrais me découvrir et m'agenouiller devant sa tombe. » Avec eux, Chopin, Schubert, Schumann et Mendelssohn ont mieux reconnu que nous la grandeur de Haendel.

Notre erreur vient peut-être de ce que nous avons écouté Haendel sans nous soucier de son aventure. De fait, son style est le produit nécessaire de son étonnant parcours professionnel. Voyageur européen doté d'un formidable appétit, il nourrit son langage de compositeur du parler des pays qu'il traverse ; entrepreneur, il utilise son génie musical comme un instrument de promotion économique et mondaine ; farouchement ambitieux, il s'affranchit des contraintes sociales qui pèsent sur sa profession ; ce faisant, il invente des formes nouvelles et crée un langage qui n'appartient qu'à lui.

Les années allemandes de Haendel ont été des années de formation, où il n'y a de place que pour un travail d'apprenti. Ce sont pourtant des années riches ; le jeune homme y a appris les fondements irremplaçables de son métier : une solide connaissance des techniques de l'harmonie, le goût des sonorités instrumentales, un sens très sûr du coloris musical. La fermeté de ces bases donne à toute son œuvre une assise qui manque souvent à ses rivaux. Ajoutons qu'il gardera jusqu'à la fin de ses jours des réflexes musicaux dont la source doit être cherchée dans le souvenir des mois passés à la Marienkirche de Halle, notamment l'habitude d'enrichir son discours de thèmes de chorals empruntés à la liturgie luthérienne.

Plus court, trois ans à peine, le séjour en Italie le marquera à jamais. Quand il arrive à Florence, en 1707, il a encore toute la gaucherie d'un jeune Allemand empêtré dans son excès de savoir ; quand il repart dans les premiers jours de 1710, il est passé maître dans cet art de l'opéra qui semblait un monopole des Italiens. Au soleil de Rome et de Naples ont germé en lui ce goût de la mélodie pure et cette facilité d'expression qui lui permettront de séduire les auditoires les plus divers. Son prodigieux optimisme musical reste nourri de cette expérience de jeune homme qui fait de lui un cousin de Bernin et de Rubens : la Rome baroque, ses dômes et ses jardins, et l'éclat du soleil dans le jet des fontaines.

Que le langage haendélien soit le produit d'un mariage de l'harmonie allemande et de la mélodie italienne est évident. Cette constatation ne suffit pourtant pas à expliquer la force de persuasion d'une musique dont l'impact populaire a été exceptionnel. Il faut chercher plus loin et constater l'existence d'autres influences plus discrètes. Rappelons le souci que le musicien a montré, dès ses premières années londoniennes, d'angliciser son style. Après le Rinaldo de 1711, il apparaît comme le prophète de l'art italien chez les Anglais ; cela ne lui suffit pas ; à la recherche de coloris nouveaux, il se met à l'école des maîtres anglais du chant polyphonique : en premier lieu Purcell et les compositeurs de l'âge d'or élisabéthain, dont il devient l'héritier légitime au même titre que ses rivaux purement britanniques. Il emprunte à la musique française elle-même certaines des formes qu'il emploie dans ses opéras postérieurs à [...]

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Pour citer cet article

Jean-François LABIE. HAENDEL GEORG FRIEDRICH (1685-1759) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 21/03/2024

Médias

Le Messie, Georg Friedrich Haendel - crédits : British Library/ AKG-images

Le Messie, Georg Friedrich Haendel

Haendel - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Haendel

Autres références

  • GIULIO CESARE (G. F. Haendel)

    • Écrit par
    • 1 974 mots
    • 2 médias

    Chef-d'œuvre de l'opera seria, probablement le plus connu, le plus souvent joué et le plus enregistré des opéras de Haendel (1685-1759), Giulio Cesare est composé durant l'été de 1723 et plusieurs fois remanié avant sa création, le 20 février 1724, au King's Theatre in the Haymarket...

  • LE MESSIE (G. F. Haendel)

    • Écrit par
    • 292 mots
    • 1 média

    Le succès du Messie lors de sa création, le 13 avril 1742, à Dublin, est resté inaltérable, au point d'identifier Haendel à cette seule œuvre pendant près de deux siècles. Il faudra attendre l'entre-deux-guerres pour que sorte peu à peu de l'oubli le reste de ses ouvrages, notamment une quarantaine...

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Musique

    • Écrit par et
    • 6 879 mots
    • 8 médias
    C'est dans un contexte en définitive très favorable qu'arrive en 1710 de sa Saxe natale, ou plutôt de son Hanovre d'adoption, l'un des plus hauts génies de la musique de tous les temps, Georg Friederich Händel (1685-1759), ou George Frideric Handel, selon qu'on le veut allemand ou anglais. En fait, il...
  • BEL CANTO

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    • 5 médias
    AvecGeorg Friedrich Haendel (1685-1759) la gamme expressive du bel canto atteint un apogée, alors même que l'agilité virtuose est à son plus haut. On distinguera cependant ce qui, dans cette expressivité vocale, relève d'une expression codée, soumise à des formes plus ou moins stéréotypées, et ce qui...
  • CHORALE MUSIQUE

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    ...fût-ce qu'en favorisant la constitution de chœurs avec voix de femmes, ce que l'Église avait seulement toléré. Il en alla de même pour l'oratorio : on sait queHaendel, par exemple, faisait exécuter ses oratorios au théâtre, non au temple, afin d'éviter les tracasseries des pasteurs sur ce point.
  • CLAVECIN

    • Écrit par et
    • 4 766 mots
    • 4 médias
    ...ravissantes « fantaisies » où la galanterie française fait bon ménage avec la grâce plus rigoureuse des Italiens. Né en 1685, comme Jean-Sébastien Bach, Georg Friedrich Haendel est mort en 1759. Organiste, violoniste, compositeur, Haendel voyage beaucoup, s'installe en Angleterre, où on le considère bientôt...
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