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NAUDÉ GABRIEL (1600-1653)

Érudit, bibliographe et historien français. Il fait de solides études littéraires et philosophiques accompagnées d'immenses lectures, avant d'entreprendre des études de médecine qu'il terminera en 1628. Il devient en 1622 bibliothécaire du président de Mesmes. Toute sa vie, il recherchera avec passion les éditions rares et les livres audacieux, cataloguera et classera une énorme masse d'ouvrages. Il apparaît comme « un type original et pittoresque d'humaniste parisien, capable d'enthousiasme, mais à qui on n'en impose pas, vigilant, caustique, ardent à apprendre, plus lent à croire, prompt à douter » (R. Pintard). S'il reste — et restera — fidèle à l'aristotélisme, c'est qu'il y trouve une méthode positive de pensée et l'incitation à un rationalisme rigoureux.

Il publie dès 1623 l'Instruction à la France sur la vérité de l'histoire des Frères de la Roze-Croix, et en 1625 l'Apologie pour tous les grands personnages qui ont esté faussement soupçonnez de magie : il y manifeste une vive méfiance à l'égard du surnaturel et, avec une verve impertinente, dénonce les superstitions et les préjugés populaires. Il fait un séjour à Padoue où il reçoit les leçons de Cremonini ; à son retour, il rédige un Advis pour dresser une bibliothèque (1627), et, admis dans le « cabinet » des Dupuy (« l'Académie putéane »), il se lie avec La Mothe Le Vayer, Diodati et Gassendi : les quatre amis formeront la Tétrade, le grand foyer (secret) de ce « libertinage érudit » qui constitue, entre la Renaissance et le siècle des Lumières un relais essentiel. Naudé est, avec La Mothe Le Vayer, l'un des mécréants du groupe. Il n'en accepte pas moins, en 1630, d'accompagner le cardinal de Bagni à Rome ; il y restera dix ans et en reviendra désenchanté sans doute, en tout cas totalement « déniaisé ». Il compose en 1630 une Addition à l'histoire de Louis XI, où il développe la théorie de l'universel et éternel retour, de l'inévitable « révolution » de toutes choses, et en 1632 les Considérations politiques sur les coups d'estat qu'il fera imprimer à Rome, à tirage limité, en 1639 et qui ne seront rééditées qu'en 1667 : en fidèle disciple de Machiavel il y « abolit toute idée de droits autres que ceux du chef » et rend « la politique autonome par rapport à la morale, souveraine par rapport à la religion » (R. Pintard), se faisant ainsi l'apologiste d'une monarchie vraiment absolue. Il publie en 1633 un traité de pédagogie, le Syntagma de studio liberali, où il énonce les principes de sa méthode, en 1637 un traité d'art militaire (qui traite de bien d'autres sujets), et en 1639 un opuscule De fato et fatali vitae termino, où il voit dans le destin un enchaînement purement naturel des causes.

À son retour de Rome, il devient le bibliothécaire de Mazarin, et donc le « domestique » d'un homme d'État au service de qui il aliénera sa liberté, du moins sa liberté d'étude. Il réunit quarante mille volumes dont il ne pourra empêcher la vente pendant la Fronde, mais dont il parviendra à préserver une partie : ce sera le noyau de l'actuelle bibliothèque Mazarine. Servant les ambitions et la politique du cardinal, il rédige un Mémoire confidentiel adressé à Mazarin après la mort de Richelieu et publiera le Jugement de tout ce qui a esté imprimé contre le cardinal Mazarin, communément appelé le Mascurat (1649), où se mêlent, à la compilation et à l'apologie, les digressions les plus diverses et où l'on retrouve, au milieu de ce fatras, les idées les plus intéressantes de l'auteur. Ayant sollicité du cardinal un congé, Naudé se rend en Suède en 1652 auprès de la reine Christine qui lui confie sa bibliothèque. Regagnant la France l'année suivante, il meurt au cours[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII

Classification

Pour citer cet article

Bernard CROQUETTE. NAUDÉ GABRIEL (1600-1653) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONSIDÉRATIONS POLITIQUES SUR LES COUPS D'ÉTAT, Gabriel Naudé - Fiche de lecture

    • Écrit par Christian BIET
    • 780 mots

    Considérations politiques sur les coups d'État, par G.N.P. à Rome, 1639 : à qui s'adresse cet ouvrage d'une centaine de pages qui paraît initialement en douze exemplaires ? Au cardinal de Bagni, selon la note préliminaire, puissant patron protecteur du bibliothécaire Gabriel...

  • LIBERTINAGE

    • Écrit par Michel DELON
    • 3 267 mots
    Cet esprit critique conduit à mettre en doute les accusations et les jugements populaires. Dans l'Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie (1625), Gabriel Naudé, médecin du roi et futur bibliothécaire de Mazarin, oppose les crédules, soumis aux préjugés,...
  • LIBERTINS

    • Écrit par Robert ABIRACHED, Antoine ADAM
    • 5 715 mots
    ...italienne. L'école aristotélicienne, telle qu'elle s'affirme à l'université de Padoue, attire de nombreux Français. On citera seulement le jeune Gabriel Naudé (1600-1653), qui, pendant trois mois, reçut les confidences de l'illustre Cesare Cremonini (1550 env.-1631). Il apprit, dans des entretiens...

Voir aussi