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HORVAT FRANK (1928-2020)

Issu d'une famille réfugiée de la Mitteleuropa – son père Karl Horvat est un médecin hongrois, sa mère Adèle Edelstein est une psychanalyste viennoise –, le photographe Frank Horvat est né le 28 avril 1928 à Abbazia, petite ville de la côte adriatique, alors italienne après avoir été austro-hongroise, et devenue croate sous le nom d'Opatija. Adolescent, il fréquente le lycée de Lugano, puis il suit des cours de dessin à l'Accademia di Brera à Milan. Doutant de ses capacités pour les beaux-arts et la littérature (Frank Horvat renonce d'ailleurs à une vocation d'écrivain), il embrasse – avec un succès foudroyant – la profession de photoreporter. Encouragé, il se rend à Paris en 1951, et se lie aux photographes de l'agence Magnum : Robert Capa, Chim, Werner Bischof et bien sûr Henri Cartier-Bresson, qui lui conseille de troquer son Rolleiflex pour un Leica : « On ne porte pas ses yeux sur son ventre », assène le maître de « l'instant décisif ». En fait, le 24 × 36 convient beaucoup mieux au tempérament et au style personnel d'Horvat. Mais le reportage lui sert de révélateur : il ne cessera désormais de « bourlinguer », répondant à l'appel d'un irrévocable « ailleurs ».

En 1952, il s'embarque sur un cargo pour Karachi, et parcourt, pendant deux ans, le Pakistan et l'Inde, « voyageant en troisième classe, confie-t-il, portant ma nourriture à la bouche avec les doigts, apprenant des rudiments de hindi et d'ourdou. Tout ce que je voyais me donnait envie de photographier, mais ce qui m'enchantait par-dessus tout étaient les dépaysements dans le temps : dans la cohue du bazaar de Lahore, sur un tonga traîné par un petit cheval blanc, je me sentais comme un pukkah sahib du temps de Kipling ; les flagellants chiites du muharram me ramenaient au Moyen Âge ; et les danseuses de barata-natyam, dans les temples du Sud, me faisaient rêver d'accueils comme les servantes d'Astarté en réservaient, paraît-il, aux voyageurs antiques... ».

Ses reportages (séries consacrées à Vinoba Bhave, un maître spirituel prêchant la non-violence, à la capture des éléphants sauvages organisée par le maharaja de Mysore, etc.) sont publiés par de grands magazines, Picture Post à Londres, Match à Paris, Die Woche à Zurich. Une de ses photographies est choisie par Edward Steichen pour l'exposition Family of Man du musée d'Art moderne de New York (1955).

De retour en Europe, Frank Horvat se partage entre Londres et Paris, travaillant beaucoup sur commande pour Life, Picture Post et pour l'agence américaine Black Star qui l'engage comme correspondant. Roméo Martinez lui consacre un numéro de sa prestigieuse revue Camera. Une partie du travail réalisé par Frank Horvat à cette époque a été exposée au musée Carnavalet en 1996-1997, sous le titre Paris-Londres, London-Paris 1952-1962.

<it>Autoportrait, Le Sphinx</it>, F. Horvat - crédits : Frank Horvat

Autoportrait, Le Sphinx, F. Horvat

Confrontant les deux capitales, Frank Horvat capture à la dérobée, dans une sorte de nomadisme ambulatoire, visages, atmosphères et espaces urbains, scènes et coins de rues, détails et situations de la vie quotidienne. La charge d'insolite, contenue dans la vie moderne, magnifiée par le noir et blanc, fait surgir une simultanéité de sensations, de rythmes, de visions. Sensible à la beauté des femmes, Frank Horvat a très envie de devenir photographe de mode. En 1957, Jacques Moutin, le directeur artistique du Jardin des Modes – mensuel créé par Lucien Vogel dans les années 1930 – souhaite renouveler la représentation du monde de la mode et de la féminité. Il fait appel à Horvat qui comme Richard Avedon, William Klein ou David Bailey, va renouveler, sans doute avec le plus d'audace, la photographie de mode.

Travaillant avec un petit format et à la lumière naturelle, Frank Horvat fuit le hiératisme et les artifices sophistiqués des studios pour traquer[...]

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Écrit par

  • : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France

Classification

Pour citer cet article

Elvire PEREGO. HORVAT FRANK (1928-2020) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Autoportrait, Le Sphinx</it>, F. Horvat - crédits : Frank Horvat

Autoportrait, Le Sphinx, F. Horvat

Autres références

  • FRANK HORVAT. PARIS, LE MONDE, LA MODE (exposition)

    • Écrit par Hervé LE GOFF
    • 996 mots
    • 1 média

    En enrichissant en 2023 la présentation montrée l’année précédente dans son espace du château de Tours, le Jeu de Paume proposait, avec l’exposition Frank Horvat. Paris, le monde, la mode, (Jeu de Paume, 16 juin-17 septembre 2023) l’évocation en cinq sections chronologiques de l’itinéraire...

Voir aussi