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BERTINI FRANCESCA (1888-1985)

Nul ne sait vraiment quand est née Francesca Bertini. En 1888 probablement, le 11 avril. C'est du moins la date enregistrée par l'état civil de Florence. En 1892 peut-être. C'est la date qu'elle avançait dans ses souvenirs (Il resto non conta) publiés en 1969.

Née dans une famille de la petite bourgeoisie florentine, elle a grandi à Naples, où elle a d'abord fait du théâtre. En 1910, alors qu'elle interprète (déjà) le rôle titre d'Assunta Spina sur les planches du Teatro Nuovo, elle est remarquée par Gerolamo Lo Savio, directeur de Film d'arte italiana, filiale romaine de la firme Pathé : elle débute devant les caméras la même année dans Il Trovatore, dirigé, à Rome, par Louis Gasnier. Son nom éclaire l'histoire du premier cinéma italien – celui des dive et des mélodrames flamboyants –, en même temps que ceux de ses grandes rivales, Lyda Borelli, Pina Menichelli ou Italia Almirante Manzini. Plus que ses rivales, Francesca Bertini a su cependant varier son registre, s'adapter par exemple au réalisme d'Assunta Spina (tourné en partie dans les rues de Naples par Gustavo Serena en 1914-1915). Elle évolue avec la même aisance dans la haute société convenue des drames post-symbolistes et dans les milieux populaires de l'Italie du Sud. Elle est dirigée par Baldassare Negroni (notamment en 1913 dans Histoire d'un Pierrot – le titre original était en français – qu'elle interprète en travesti), par Emilio Ghione, Gustavo Serena, Giuseppe de Liguoro, et surtout, dans les dernières années de sa carrière glorieuse, par Roberto Roberti, qui réalise pour elle une douzaine de films à partir de 1917. Produite d'abord par la Pathé, puis la Cines et la Caesar Film, l'actrice avait fondé en 1919 sa propre firme, la Bertini-Film.

On retient d'elle un long corps mince, volontiers pris dans un fourreau qui fait les courbes pures, un cou dressé qui soutient le menton large, un visage modelé fermement autour de deux yeux vifs et droits. On retient d'elle la mobilité, une vie immédiate, la présence d'une femme qui se joue des maquillages et des postures. Sur une photo d'époque, elle peut évoquer les déesses glacées de Gustav Klimt, ou les sphinges hiératiques de Fernand Khnopff. Sur un écran qui lui restitue la grâce du mouvement, elle est d'abord un corps libre, une vivacité de popolana enchassée dans des lamés ou des brocards.

Les années 1920 sont terribles pour le cinéma italien. La production s'effondre. Pourtant Francesca Bertini, qui a épousé en 1921 un improbable aristocrate suisse, ne disparaît jamais complètement des écrans. Faute d'activité dans les studios romains, elle tourne en France : La Fin de Monte Carlo de Mario Nalpas et Henri Etiévant en 1926, Odette de Luitz Morat en 1927, Possession de Léonce Perret en 1928, et surtout Tu m'appartiens de Maurice Gleize, en 1928-1929.

En 1930, Francesca Bertini prend le virage du parlant dans un film à versions multiples tourné à Berlin : La Femme d'une nuit de Marcel L'Herbier (la version italienne, La Donna di una notte, était dirigée par Amleto Palermi). On la voit de moins en moins, mais elle ne disparaît pas : en 1976 encore, Bernardo Bertolucci lui confiait le rôle de Desolata dans son monumental 1900.

En 1982, Gianfranco Mingozzi la convoque une dernière fois devant une caméra. Elle parle d'elle et de sa carrière, elle entre debout dans l'histoire du cinéma, confrontée à son image au temps d'Assunta Spina. Elle est vive, drôle et chaleureuse. Elle est à la fois l'image du temps et la négation du temps. Le film, qui dure trois heures, s'appelle L'Ultima Diva.

— Jean-Pierre JEANCOLAS

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Écrit par

  • : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre JEANCOLAS. BERTINI FRANCESCA (1888-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ITALIE - Le cinéma

    • Écrit par Jean A. GILI
    • 7 683 mots
    • 4 médias
    ...Lyda Borelli, des actrices comme Pina Menichelli, Maria Jacobini, Hesperia, Diana Karenne, Soava Gallone, Leda Gys, Italia Almirante Manzini, et surtout Francesca Bertini (1888-1985), connaissent une renommée qui va bien au-delà des frontières. Par leurs mouvements alanguis et hiératiques, ces comédiennes...

Voir aussi