Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

FANATISME

Fanatisme et esprit religieux

Discours de Hitler - crédits : Topical Press Agency/ Getty Images

Discours de Hitler

Outre qu'elle s'accorde avec le sens originel du mot, l'idée qu'il n'y a de fanatisme que religieux trouverait aisément à se confirmer dans le fait que la religion est partout présente où règne le pouvoir de l'esprit sur le corps et l'autorité d'un homme sur ses semblables. Tant que les hommes, persuadés de leur impuissance native, persisteront à s'agenouiller à la promesse d'un réconfort que leur misérable attitude leur interdit dès l'abord de recevoir, le fantôme des dieux morts continuera de les hanter et de les jeter éperdument dans une aventure où ils sont assurés de se perdre. Du temps que les mutations économiques – telles que le passage de la structure agraire au capitalisme, la transformation du capitalisme monopolistique en capitalisme d'État – autorisaient le succès momentané de leurs entreprises, les régimes totalitaires n'ont jamais eu de peine à fanatiser le citoyen, à qui la religion de l'État et le culte d'un pouvoir infaillible garantissaient le salut. Nazisme, stalinisme, maoïsme ne le cédèrent en rien à la faveur des archaïques autodafés.

Séparé de la jouissance d'une vie qu'il sacrifie au nom d'une vie désincarnée et parfaitement « idéale », le fanatique en appelle rageusement à l'unité, unité avec Dieu, avec l'Église, avec l'État, avec l'Esprit saint. Et il se montre d'autant plus forcené que lui manque cruellement l'unité fondamentale, celle qui le réconcilierait avec son corps, avec le plaisir du vivant. Être fragmentaire, souffrant d'un combat qui le dresse contre lui-même, il dénonce les diviseurs du parti, les déviants de la ligne droite, les ennemis sournois de la vertu. Pureté de la race ou pureté du marxisme, c'est toujours dans l'image d'une propreté absolue que s'absout la saleté du linge de famille, de secte, de faction. Extirpant de soi la part la plus humaine, qu'il juge entachée de faiblesse, le fanatique manie volontiers le couperet de la rigueur, qui départage impitoyablement le sain de l'avarié. Il faut la cynique candeur de Robespierre pour parler de la « sainte guillotine » et proclamer froidement : « La Révolution n'est que le passage du règne du crime à celui de la justice. » On ne peut mieux dire. Aussi bien est-ce un aveu qui siérait aux fanatiques de la punition pénale, à ceux qui exorcisent, par le moyen des peines de prison, voire de mort, infligées aux malfaiteurs, la malfaisance des pulsions réprimées qu'ils emprisonnent en eux.

Parmi l'espèce proliférante de ces « maniaques destructeurs de leur être », l' Encyclopédie distingue deux catégories principales : « Dans un tempérament flegmatique, il produit l'obstination qui fait les zélateurs ; dans un naturel bilieux, elle devient frénésie [...]. Toute l'espèce est divisée en deux classes. La première ne fait que prier et mourir, la seconde veut régner et massacrer. »Peut-être faut-il convenir que les deux classes, le plus souvent, n'en forment qu'une ; de même que coexistent en chaque être humain l'actif et le passif, la dureté et la mollesse, le prêtre et le philosophe, le policier et l'insurgé, la raideur et le laisser-aller. Un état succède à l'autre, selon un mouvement de balancier prévisible, mais non cependant sans qu'une fonction particulière, un métier, une responsabilité sociale, un rôle ne viennent favoriser, cristalliser l'une ou l'autre attitude.

Il existe ainsi un singulier encouragement au fanatisme, c'est de confondre le développement des facultés d'éveil de l'enfant et ce que l'on appelait, il n'y a pas si longtemps, la formation du caractère. Ceux qui se flattaient jadis que leur enfant eût du caractère, une manière d'inflexibilité, de raideur opiniâtre[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Raoul VANEIGEM. FANATISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Discours de Hitler - crédits : Topical Press Agency/ Getty Images

Discours de Hitler

Autres références

  • ÉVOLUTION

    • Écrit par Armand de RICQLÈS, Stéphane SCHMITT
    • 15 123 mots
    • 10 médias
    ...présent dans toutes les religions du Livre, le créationnisme, comme alternative radicale à l'évolutionnisme, peut à tout moment et partout se muer en un activisme fondamentaliste intolérant et conquérant. Celui-ci est fortement opposé à toute forme de laïcité où peut prospérer l'esprit de libre examen,...
  • PAYS-BAS

    • Écrit par Christophe DE VOOGD, Universalis, Frédéric MAURO, Guido PEETERS, Christian VANDERMOTTEN
    • 35 732 mots
    • 23 médias
    Le fanatisme religieux existait toutefois des deux côtés : il y avait aussi bien des ultracatholiques que des ultracalvinistes. Ni les uns ni les autres ne pouvaient se satisfaire de la pacification de Gand : à leurs yeux, pas de salut en dehors de leurs religions salvatrices respectives. Après les compromissions...

Voir aussi