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MUROMACHI ÉPOQUE (1333-1573)

Tirant son nom du quartier de Kyōto où Ashikaga Takauji établit en 1336 le siège du gouvernement (bakufu), l'époque Muromachi ne connut guère de stabilité politique et fut déchirée par des guerres intestines. Toutefois, bien que la longue période de paix que surent imposer par la suite les shōgunTokugawa contraste nettement avec ces siècles troublés, c'est dans les années Muromachi — rangées par le découpage chronologique traditionnel dans le Moyen Âge (chūsei) — que dans bien des domaines le Japon « moderne » prit naissance et que se constituèrent certains éléments fondamentaux de sa civilisation.

Les progrès des techniques agricoles permettent une augmentation des rendements et une diversification des productions. La nourriture quotidienne s'améliore. Les artisans, jusque-là serfs attachés à la Cour ou aux temples, voient se relâcher leurs liens de dépendance et forment des corporations spécialisées (za). On exporte en Chine sabres et armures, éventails et paravents rehaussés d'or. Prospèrent aussi les ateliers de tissage (coton, dont la culture commence, chanvre, soie importée de Chine). Les échanges se multiplient : des marchés apparaissent dans tout le pays, près des résidences seigneuriales et des temples ou sur les voies de communication. De grosses compagnies de transport prospèrent. Les voies maritimes (autour de l'archipel ou vers la Chine) sont reliées, à partir des grands ports, aux routes, désormais équipées de relais. Seules entraves aux déplacements et au commerce : l'insécurité et la fréquence des péages. L'essor du commerce et des voyages est favorisé par l'usage de la monnaie (en général importée de Chine). Des compagnies (dosō) pratiquent, outre le commerce des denrées, le crédit et le prêt à intérêt ; ainsi se constituent de grosses fortunes fondées sur des monopoles et les profits du commerce et de l'usure ; les dosō sont exemptés de droits, mais parfois soumis à des taxes extraordinaires. Une nouvelle catégorie sociale fait son apparition, celle des chōnin, le mot impliquant à la fois un certain type d'activités (artisanat ou commerce) et une résidence urbaine (l'émergence de grandes villes, surtout de ports, caractérise cette époque).

L'amélioration des conditions de vie et l'institution d'organisations villageoises permirent aux paysans, surtout à ceux qui assuraient l'approvisionnement des villes, de prendre conscience de leur force et de s'opposer, généralement sous la direction de petits guerriers issus de leurs rangs (jisamurai), aux intendants des seigneurs féodaux ainsi qu'aux dosō. Dès la première moitié du xive siècle éclatent des révoltes paysannes (do.ikki), qui deviendront plus fréquentes à la fin du xve siècle ; elles sont parfois couronnées de succès (abolition des dettes, accaparement de grains, suppression d'octrois, voire installation d'une auto-administration dans tel village), mais en général sans lendemain. Souvent, les jisamurai, une fois les grands seigneurs abattus, se retournèrent contre les paysans pour former, avec l'appui des dosō, une nouvelle classe d'administrateurs.

La décentralisation de la vie politique et économique, le développement de l'artisanat et du commerce, l'ouverture, près des temples, des premières écoles populaires favorisèrent l'essor d'une culture populaire. Les formes d'art les plus sophistiquées pratiquées à la cour des shōgun Ashikaga ont souvent leur origine dans des divertissements populaires : le , dans des danses agrestes ou cultuelles ; l'art du thé, dans les réunions de thé des villageois. C'est à cette époque que de grandes fêtes (O-Bon, Gion-matsuri) prennent leur forme définitive, tandis que marchés et lieux de pèlerinage attirent des confréries de « diseurs », dont l'art donnera naissance au [...]

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Pour citer cet article

Jacqueline PIGEOT. MUROMACHI ÉPOQUE (1333-1573) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Buddha de l'époque Muromachi - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Buddha de l'époque Muromachi

Autres références

  • BUSON YOSA (1716-1783)

    • Écrit par Madeleine PAUL-DAVID
    • 1 236 mots

    Buson, poète et peintre japonais, fut, avec Ike-no-Taiga, le créateur du Nanga, école des Lettrés. Éclectique comme la plupart de ses contemporains, Buson s'est illustré par des styles très divers, mais il semble que son emploi du pinceau s'apparente surtout à celui des maîtres de l' époque Muromachi,...

  • JAPON (Le territoire et les hommes) - Histoire

    • Écrit par Paul AKAMATSU, Vadime ELISSEEFF, Universalis, Valérie NIQUET, Céline PAJON
    • 44 405 mots
    • 52 médias
    ...fut jamais plus grand que sous Yoshimitsu (1358-1408), petit-fils de Takauji. Il fit construire en 1378 le palais des Fleurs, résidence des shōgun, à Muromachi, quartier de Kyōto qui laissa son nom (Muromachi jidai) à la période historique pendant laquelle régnèrent les shōgun Ashikaga. Par ailleurs,...
  • JAPON (Arts et culture) - Les arts

    • Écrit par François BERTHIER, François CHASLIN, Universalis, Nicolas FIÉVÉ, Anne GOSSOT, Chantal KOZYREFF, Hervé LE GOFF, Françoise LEVAILLANT, Daisy LION-GOLDSCHMIDT, Shiori NAKAMA, Madeleine PAUL-DAVID
    • 56 170 mots
    • 35 médias
    Autour de Takauji, établi à Kyōto, dans le quartier Muromachi, et autour de ses successeurs se crée une cour nouvelle où les moines zen font régner la culture des Song. Ils ont le privilège du commerce avec la Chine, et leurs navires en rapportent de nombreuses œuvres d'art. Peintures, laques, soieries,...

Voir aussi