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ENLIGHTENMENT

Si l'Enlightenment peut être distingué assez aisément de la « philosophie des Lumières » française, cela se voit, dès l'abord, en ce que l'Enlightenment ne se préoccupe pas de lutter contre l'Église ; de même, l'Aufklärung, à l'origine, n'a pas d'accent antireligieux et se développe, au contraire, partiellement à partir de la pensée luthérienne.

En Angleterre, les « Lumières » ne se manifestent par aucun radicalisme doctrinal, mais par une lente maturation de la révolution newtonienne et de ses conséquences. L'œuvre de Newton avait ruiné toutes les explications de la nature, qu'elles fussent scolastiques ou cartésiennes : il fallait en appeler à une raison de l'esprit divin et, par là même, comprendre le cheminement de la raison humaine.

L'expérience, ses conditions et les moyens que nous avons d'en rendre compte sont les pierres d'achoppement de l'essor philosophique de l'époque. Newton rejette l'usage de toute hypothèse pour se contenter d'établir une loi mécanique, vérifiable expérimentalement. Les hypothèses cartésiennes étaient des structures mécaniques imaginées pour rendre compte des phénomènes et elles étaient assimilables à des causes vraisemblables. Newton, lui, n'admet d'autre cause que celle qui peut « être déduite des phénomènes eux-mêmes ». C'est pour cette raison qu'il n'imagine aucune cosmogonie, aucune explication scientifique des rapports actuels de position et de vitesse des corps célestes. Sa mécanique s'accompagne d'une théologie : son Dieu est géomètre et architecte (ce rôle de Dieu sera tantôt accepté, comme chez Voltaire, tantôt plus étroitement limité, comme chez Kant et Laplace).

Les principaux représentants de l'Enlightenment vont tous plus ou moins mettre à mal l'aspect métaphysique de la pensée de Newton, et critiquer l'obscurité de sa théorie de la causalité. Chez Locke, apparaît l'idée que la connaissance que nous pouvons avoir du monde physique est indirecte : si l'expérience est la seule origine de nos idées et si la théorie corpusculaire de Boyle peut expliquer et le mouvement et la production de nos idées, nous ne pouvons cependant connaître les essences réelles du monde extérieur ni parvenir à cette science de la matière annoncée par Bacon. Il n'en reste pas moins qu'aux yeux de Locke les lois naturelles sont contingentes. En fait, il s'attache à fixer à l'entendement humain des limites étroites mais raisonnables ; dans le même sens, sa philosophie du langage est individualiste et utilitariste : puisque nous ne pouvons connaître les essences réelles des choses, le langage ne peut être qu'une création arbitraire et imparfaite pour communiquer nos idées des choses.

En fait, l'Enlightenment, plus précoce que l'Aufklärung, se caractérise surtout par un déisme tolérant, un sensualisme excluant tout matérialisme véritable, une référence constante au bon sens, un libéralisme politique tranquille et un intérêt particulier porté aux théories des beaux-arts. Ainsi Locke publie-t-il son Christianisme raisonnable et Émile Bréhier peut écrire de l'ambiance philosophique de l'époque : « Cette sorte de confusion entre la connaissance philosophie et la révélation en était venue à un point où le seul moyen d'affranchir la religion était de démontrer que la religion révélée pouvait produire tous ses bienfaits en l'absence des motifs d'agir que nous propose la raison. » Le théologien Sherlock publie en 1730 Le Christianisme aussi ancien que la création, ou l'Évangile comme un renouvellement de la religion naturelle. Toland conçoit un christianisme qui est uniquement raisonnable et William Butler, évêque de Durham, censé défendre la spécificité de la révélation, écrit[...]

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Pour citer cet article

Olivier JUILLIARD. ENLIGHTENMENT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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