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ANTRAIGUES EMMANUEL DE LAUNAY comte d' (1754-1812)

Revenu de bien des choses, de l'Orient où il s'est aventuré, des voyages en montgolfières et surtout des idées républicaines qu'il avait naguère adoptées, le comte d'Antraigues, dès 1789, abandonne les principes qu'il a exposés l'année précédente dans son Mémoire sur les états généraux, grâce auquel il est devenu célèbre en quelques semaines.

Cet ennemi de la Cour se transforme en champion d'une cause monarchique qu'il est prêt à soutenir contre le monarque lui-même et il la défend avec un zèle partisan qui lui fait dire : « Je serai le Marat de la contre-révolution. » Il émigre en 1790, se réfugie en Suisse et de là, pendant trois ans, adresse régulièrement au comte de Las Cases, ambassadeur d'Espagne à Venise, les renseignements que lui font parvenir ses correspondants restés en France. Ceux-ci, groupés en plusieurs agences dont la plus importante est celle de Paris, constituent le « réseau d'Antraigues » qui, bien que resté longtemps méconnu, n'en a pas moins joué un rôle important dans l'histoire de la contre-révolution. Tout en ayant acquis la nationalité espagnole, il se fait attacher à la légation russe à Venise et, à l'abri de cette double couverture, il mène un virulent combat, la plume à la main, contre la Révolution française et contre les souverains coupables de la laisser s'étendre. Arrêté en 1797, lors de l'entrée des troupes françaises à Venise, il est livré, avec une partie de ses papiers, au général Bonaparte qui l'interroge lui-même et lui extorque sinon une confession écrite, du moins l'aveu d'authenticité d'une pièce importante : il s'agit d'un document qui, bien que non signé, apporte la preuve d'une collusion de Pichegru avec des émissaires de Louis XVIII et du prince de Condé. Bonaparte, qui a encore partie liée avec Barras et la gauche contre Carnot et les Clichyens dont Pichegru est le dirigeant parlementaire, envoie ce document au Directoire et, en échange du service ainsi rendu, laisse d'Antraigues s'échapper de sa prison. Devenu suspect aux milieux de l'émigration, mais disposant encore de puissants appuis, notamment auprès du tsar Alexandre Ier, d'Antraigues se réfugie à Vienne, puis à Dresde où, grâce aux relations qu'il a conservées en France, il continue sa besogne d'informateur auprès de la Russie.

Dans ses moments perdus, il trace le plan d'une réorganisation de l'Université russe et participe utilement à la réforme de l'enseignement commencée par le tsar. Sur les instances de Napoléon, le comte d'Antraigues est évincé de la légation russe de Dresde et doit se replier à Londres où, fâcheusement pour lui, il prend parti dans la querelle qui oppose un illustre émigré, le comte de Puisaye, au prétendant, le futur Louis XVIII, avec lequel il se brouille définitivement. Il est assassiné dans des circonstances mystérieuses ainsi que sa femme, une ancienne artiste de l'Opéra, qui était plus connue sous le nom de la Saint-Huberty.

— Ghislain de DIESBACH

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Pour citer cet article

Ghislain de DIESBACH. ANTRAIGUES EMMANUEL DE LAUNAY comte d' (1754-1812) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONTRE-RÉVOLUTION

    • Écrit par Jean TULARD
    • 4 962 mots
    D'une autre envergure, mais d'une moralité plus douteuse, est le comte d'Antraigues, qui fut lui aussi député aux États généraux et qui s'attacha à corrompre les milieux proches du Comité de salut public par l'intermédiaire de deux agents, Lemaître et Des Pomelles. Hérault...

Voir aussi