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PETRI ELIO (1929-1982)

Tardivement consacré en France par le grand prix spécial du jury et le grand prix spécial de la critique internationale, décernés, au festival de Cannes de 1970, à Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, Elio Petri devait être considéré depuis lors comme un cinéaste politique, dans la lignée de Francesco Rosi. Mais cela ne rend pas tout à fait compte de son cinéma. Rosi a élaboré un style de films-dossiers rassemblant des morceaux de puzzles historiques et politiques pour reconstituer des faits réels. Elio Petri, lui, avait le souci de s'adresser directement au public populaire par des récits où la psychologie était, autant que la politique, prise en compte à travers des fictions.

Né à Rome, issu d'un milieu populaire, journaliste et critique de cinéma, il se préoccupa toujours des problèmes sociaux et des rapports de l'individu avec le pouvoir. Inscrit au Parti communiste italien, qu'il devait quitter après l'intervention des troupes soviétiques en Hongrie en 1956, Petri reste un homme de gauche lucide. Entre 1952 et 1961 (date de son premier long métrage), il avait beaucoup travaillé, comme scénariste, avec Giuseppe De Santis, l'un des maîtres du néo-réalisme engagé dans la critique de la société italienne. Il collabora également à un film de Carlo Lizzani. Tout cet héritage se retrouve dans L'Assassin (étude de caractère où un antiquaire, soupçonné, à tort, de meurtre, se sent néanmoins coupable), dans Les Jours comptés (1962) et dans Le Maître d'école de Vigevano (1963), d'après le roman de Lucio Mastronardi. Si La Dixième Victime (1965) est une fable futuriste quelque peu teintée de fantastique, la vision politico-sociale du cinéaste prend corps, en 1967, avec À chacun son dû, adaptation d'un roman de Leonardo Sciascia où, dans une atmosphère sicilienne, la collusion de la bourgeoisie avec la Mafia se trouve dénoncée. Elio Petri ne fait pas du cinéma militant mais du cinéma narratif et moral.

<em>Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon</em>, E. Petri - crédits : The Kobal Collection/ Aurimages

Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, E. Petri

Interprète d'un intellectuel de gauche dans À chacun son dû, Gian Maria Volonté devient l'acteur fétiche du cinéaste pour Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (1969), où il incarne un commissaire de police pervers sexuel et psychopathe criminel, et pour La classe ouvrière va au paradis (1971), où il joue le rôle d'un ouvrier victime d'un accident du travail et gagné par une sorte de folie. À cette époque, où il entreprend un film sur la mort de l'anarchiste Pinelli, œuvre collective qui ne sera pas terminée, Petri s'est dégagé des influences de ses débuts et aborde les phénomènes sociaux (corruption de la police, vie ouvrière et syndicale) à partir de problèmes individuels, de cas de névroses provoquées par l'aliénation du milieu. S'il partage à Cannes, en 1972, la palme d'or pour La classe ouvrière... avec L'Affaire Mattei de Rosi, il n'y a pas de point commun entre les deux cinéastes sur le plan de l'esthétique. Petri traite ses films dans un style dramatique, flamboyant, quelque peu baroque. Après un détour par la farce bouffonne (La propriété, ce n'est plus le vol, 1973), il réalise, en 1976, Todo modo (à nouveau tiré d'un roman de Leonardo Sciascia). Cette parabole politique, qui s'enfonce dans les méandres de l'irrationnel et traduit, par des envolées insolites et inquiétantes, un pessimisme fondamental sur la nature humaine, est peut-être bien la clé de ses films des années 1970. Petri s'est attaqué, certes, aux injustices et aux abus du pouvoir (Todo modo est un réquisitoire contre la Démocratie chrétienne), mais il y avait chez lui une complexité de l'analyse politique, un manque d'espoir dans les constats existentiels que l'on n'a pas toujours perçus. La société et l'homme étant ce qu'ils sont dans les démocraties occidentales, Elio Petri préférait, à partir d'exemples[...]

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Pour citer cet article

Jacques SICLIER. PETRI ELIO (1929-1982) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon</em>, E. Petri - crédits : The Kobal Collection/ Aurimages

Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, E. Petri

Autres références

  • ITALIE - Le cinéma

    • Écrit par Jean A. GILI
    • 7 683 mots
    • 4 médias
    ...épanouissement avec notamment les films de Francesco Rosi, né en 1922 (Salvatore Giuliano, 1961 ; Le mani sulla città [Main basse sur la ville], 1963) et d' Elio Petri (1929-1982) (Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto[Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon], 1970 ; La classe operaia...
  • VOLONTE GIAN MARIA (1933-1994)

    • Écrit par Jean-Pierre JEANCOLAS
    • 625 mots

    Le cinéma italien des années 1960 et 1970 avait le cœur assez large pour qu'y cohabitent le génie visionnaire de Fellini, l'élégance inquiète d'Antonioni, les derniers flamboiements de Visconti et un cinéma civique qui se voulait responsable et engagé. Des films de Francesco...

Voir aussi