ZEEMAN EFFET

En 1896, le physicien néerlandais Pieter Zeeman a découvert que, lorsqu'un spectre atomique est émis par une lampe soumise à un champ magnétique suffisamment élevé, chaque raie spectrale se divise en plusieurs composantes polarisées linéairement ou circulairement. Ce phénomène s'est révélé par la suite d'une extrême généralité. On peut aujourd'hui définir l'effet Zeeman comme « l'action d'un champ magnétique sur les niveaux quantiques d'un système submicroscopique S (atome, ion, molécule, noyau atomique, défaut ou impureté dans un cristal...) et, par voie de conséquence, sur les radiations électromagnétiques en interaction avec S ».

La figure a représente l'énergie E des niveaux quantiques d'un système S en fonction du champ magnétique B. Pour B = 0, on supposera que S possède trois niveaux α, β, γ. La transition de S entre les niveaux α et β s'accompagne de l'absorption ou de l'émission de la radiation de fréquence :

h est la constante de Planck. Étant donné deux niveaux de S, il n'y a pas toujours possibilité de transition radiative entre ces niveaux : on a supposé ainsi que la transition entre α et γ est interdite par une règle de sélection. Les radiations σαβ et σβγ émises ou absorbées lors des transitions permises sont en général non polarisées, mais elles peuvent aussi être polarisées (cas de nombreuses transitions en optique cristalline).

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L'énergie des différents niveaux de S est fonction de B. Par suite, la fréquence des raies spectrales correspondantes dépend aussi de B (déplacement Zeeman). En outre, certains niveaux de S, comme γ, restent simples en présence de champ magnétique (on dit qu'ils sont non dégénérés en absence de champ), alors que α et β se décomposent en plusieurs sous-niveaux Zeeman α1, α2, α3 et β1, β2, β3. On dit que α et β sont chacun triplement dégénérés en absence de champ et que l'application du champ lève leur dégénérescence. Il en résulte une décomposition des raies spectrales correspondantes. Sur la figure c, relative à un champ B1 ≠ 0, la transition β → γ a donné naissance à trois composantes Zeeman du fait de la décomposition triple de β. La transition α → β a donné six composantes sur les 3 × 3 = 9 que l'on aurait pu attendre. Comme en champ nul, certaines transitions (α1 → β3, par exemple) sont interdites par des règles de sélection. En général, les transitions observées en champ non nul sont polarisées, la polarisation dépendant à la fois de la transition considérée et de l'orientation de la direction d'observation par rapport au champ magnétique (et éventuellement par rapport aux axes cristallographiques).

Dans ce qui précède, on a envisagé des transitions telles que α1 → β1, β2 → γ, ... entre deux sous-niveaux Zeeman correspondant à deux niveaux d'énergie distincts en champ nul. Mais on peut également observer des transitions telles que α1 → α2 entre sous-niveaux Zeeman correspondant à un même niveau en champ nul. L'étude de ces transitions « internes » fait partie de la spectroscopie des radiofréquences (cf. magnétochimie, spectroscopie) : résonance magnétique nucléaire si le système S est un noyau atomique, résonance paramagnétique électronique si S est un centre paramagnétique, etc. Ces diverses techniques, traitées ailleurs, sont étroitement liées à l'effet Zeeman.

Théorie quantique

Aussitôt après la découverte de Zeeman, Lorentz en a donné une interprétation dans le cadre de la mécanique et de l'électromagnétisme classiques. La théorie de Lorentz ne rend compte que d'une partie des phénomènes observés (effet Zeeman dit normal, cf. chap. 2, Effet Zeeman linéaire) et elle est complètement abandonnée de nos jours au profit d'une interprétation quantique parfaitement satisfaisante. En fait, les efforts déployés pour expliquer les diverses particularités de l'effet Zeeman ont joué historiquement un rôle important dans l'élaboration de la mécanique quantique actuelle.

Une étude rigoureuse de l'effet Zeeman est pratiquement impossible, sauf pour les systèmes submicroscopiques S les plus simples. Deux considérations servent de guides et permettent d'obtenir des résultats en très bon accord avec l'expérience. D'une part, les champs magnétiques réalisables sont suffisamment faibles pour que leur action puisse se traiter par la méthode des perturbations avec une précision excellente. D'autre part, de nombreuses conclusions générales, indépendantes de l'intensité du champ B, découlent de la symétrie géométrique du problème. Le hamiltonien qui décrit le système submicroscopique S peut s'écrire :

H0 décrit S en absence de champ magnétique appliqué et où V(B) représente l'interaction entre S et le champ magnétique B. Pour B = 0, le hamiltonien H0 possède souvent une symétrie suffisante pour que :

Effet Zeeman : exemple hypothétique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Effet Zeeman : exemple hypothétique

a) ses états propres aient une dégénérescence essentielle (c'est-à-dire liée à la symétrie) ; c'est le cas des niveaux α et β de la figure ;

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b) certaines transitions entre ces états propres soient interdites par des règles de sélection (transition α → γ de la ) ; ces règles de sélection sont d'autant plus strictes que la symétrie géométrique de H0 est plus élevée.

Un champ magnétique uniforme B possède la symétrie Ch, c'est-à-dire celle d'un cylindre de révolution d'axe B en rotation autour de cet axe. Si donc B est différent de zéro, la symétrie du hamiltonien total H est nécessairement inférieure ou égale à Ch. Cette symétrie relativement faible explique le fait que les états quantiques de S en présence de champ soient non dégénérés, sauf peut-être des coïncidences accidentelles comme le croisement de niveaux qui se produit pour le champ Bc sur la figure a. Cependant, la symétrie de H reste généralement suffisante, même en champ non nul, pour que subsistent des règles de sélection et qu'apparaissent des règles de polarisation.

Au chapitre 2, on montrera comment les principes que l'on vient d'esquisser s'appliquent à l'effet Zeeman le mieux connu, celui des atomes libres.

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Effet Paschen-Back - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Dichroïsme circulaire magnétique et effet Faraday - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Effet Zeeman : exemple hypothétique

Autres références

  • ATOMIQUE PHYSIQUE

    • Écrit par et
    • 6 652 mots
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  • ÉLECTRONS

    • Écrit par et
    • 6 658 mots
    • 5 médias
    ...branche de la physique : l'étude des raies lumineuses émises par les atomes. Après les tentatives infructueuses de plusieurs chercheurs, le Néerlandais Pieter Zeeman (1865-1943) observe en 1896 un effet du champ magnétique sur les raies jaunes du sodium : elles sont élargies, et de manière différente...
  • LORENTZ HENDRIK ANTOON (1853-1928)

    • Écrit par , et
    • 1 485 mots
    ...qu'une des raies spectrales émises par le sodium était séparée en trois si la source de sodium se trouvait dans un champ magnétique. Ce phénomène, appelé effet Zeeman, allait jouer un rôle capital en physique atomique. Par ses travaux précédents, Lorentz était bien préparé à donner une explication de ce...
  • POMPAGE OPTIQUE

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    Dans les atomes paramagnétiques qui possèdent, à l'état fondamental, un moment magnétique non nul,l'application d'un champ magnétique décompose l'état fondamental en plusieurs états voisins appelés « états Zeeman ». Dans les champs magnétiques que l'on sait produire, les intervalles d'énergie...
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