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ÉDUCATION LIBÉRALE

D'un point de vue historique, l'éducation libérale vise à la transmission de la culture humaniste telle qu'Eugenio Garin, dans L'Éducation de l'homme moderne, en décrit l'émergence à partir de la Renaissance. Ce sont les studia humanitatis ou sciences de l'homme de Pétrarque, « la libre culture de l'esprit née de la fréquentation des grands auteurs classiques », la volonté de comprendre l'homme dans sa diversité et son universalité, l'étude désintéressée de matières qu'on veut à la fois débarrassées du formalisme médiéval et affranchies de la théologie.

Une question reformulée au XIXe siècle

L'idée d'une éducation libérale ainsi définie marquera de façon durable – en fait jusqu'à la première partie du xxe siècle – les études secondaires qui ont privilégié les humanités classiques en inscrivant leur enseignement dans une perspective fondamentalement morale (la formation de l'homme par l'exemple de ces modèles d'humanité que renferment les œuvres de l'Antiquité). À partir du xixe siècle pourtant, la question de l'éducation libérale va connaître, en regard des conditions historiques de son émergence à la Renaissance, des développements inédits.

En premier lieu, la référence à l'éducation libérale vient nourrir un débat relatif à la finalité de l'Université, et qu'on peut formuler, avec Alain Renaut : « culture ou professionnalisation ? ». Le cardinal John Newman publie en 1852 le texte de neuf conférences prononcées la même année à Dublin : The Idea of the University. Il y réaffirme ce qui constitue à ses yeux un principe indépassable de la tradition universitaire, revendiquée au nom même, précisément, de l'éducation libérale : l'Université vise une formation générale, intellectuelle et morale, et ne doit pas être la préparation à une profession particulière. Ce débat est aujourd'hui loin d'être clos, et c'est une question toujours en suspens de savoir si l'Université peut continuer à être le lieu d'une telle éducation libérale ou si elle doit devenir – ce qui semble être la conséquence de sa massification contemporaine – un ensemble de formations spécialisées ouvertes sur les divers secteurs de l'activité sociale.

En second lieu, la notion d'éducation libérale fut au xixe siècle, plus particulièrement en France, mobilisée pour justifier un véritable discours de la réforme pédagogique, retrouvant à certains égards l'inspiration originaire des penseurs de la Renaissance. Ainsi l'académicien Victor de Laprade fait-il paraître, en 1874, L'Éducation libérale. Celle-ci doit « former les intelligences [des] classes appelées à pratiquer les arts libéraux, à diriger la société ». Elle est donc réservée aux enfants des élites sociales, qui seuls fréquentent les lycées. Mais elle doit conduire à une réorganisation profonde du régime pédagogique des études, dans le sens de la libre activité de l'enfant. Laprade prône une éducation « vivifiante », faisant toute sa part aux libres mouvements de la jeunesse, et dont le contre-exemple serait le régime mortifère des couvents.

Le plus remarquable est que, contrairement aux indications expresses de Laprade, cette rénovation « libérale » de l'éducation fut un des thèmes majeurs des réformateurs républicains de l'école primaire. Ferry devant les instituteurs réunis en congrès en 1881, Ferdinand Buisson dans les articles « Politique », « Enseignement primaire » et « Laïcité » de son Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire, Félix Pécaut dans son article célèbre de la Revue pédagogique sur les usages et les abus de la pédagogie, Gabriel Compayré dans son manuel de 1885, Henri Marion dans son article (toujours[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'Institut universitaire de formation des maîtres de Versailles

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Pour citer cet article

Pierre KAHN. ÉDUCATION LIBÉRALE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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