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MORIN EDGAR (1921- )

Edgar Morin - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

Edgar Morin

« Sans cesse, ce qui me fait horreur, c'est la pensée disjonctive, unidimensionnelle, mutilante. Chaque fois que j'étudie un phénomène social, je ressens sa complexité et essaie de la traduire [...] : son caractère multidimensionnel, les inter-rétroactions qui [le] tissent, la nécessité d'historiciser, c'est-à-dire de concevoir dans le temps [...], la nécessité de reconnaître et de traiter la diversité et la singularité... » Déjà, dans les « Papiers d'identité » qu'il présentait en Avant-propos de la première édition de Science avec conscience en 1982, Edgar Morin inscrivait son entreprise dans ses histoires, ses interactions, ses dimensions multiples et singulières. Son œuvre se construit dès Le Vif du sujet, titre de l'essai qu'Edgar Morin publie en 1969 : « nébuleuse spirale qui tourne et s'enroule autour du même – du seul ? – problème : celui du lien et de la brèche entre l'homme et le monde ». Reconnaître cette brèche, ces brèches plutôt (l'homme et le cosmos, l'homme et la nature, l'homme et la vie, l'homme et la société, l'homme et la culture...), et ne pas s'y résigner, proposer sans cesse de construire et de reconstruire quelques nouvelles arches, ainsi pourrait se définir l'entreprise d'Edgar Morin.

Un nouvel encyclopédisme

Cette entreprise relève-t-elle de la science, de la philosophie, de l'épistémologie, de l'essai politique ? Pour qui lit cette œuvre sans chercher d'abord à vérifier si elle appartient ou non à son propre pré carré disciplinaire, la réponse est spontanément oui à chacune de ces questions. En témoignent les nombreux scientifiques (sciences douces et sciences dures), philosophes, épistémologues, politologues et essayistes qui, de par le monde, se tiennent concernés par la pensée d'Edgar Morin. Cette audience, dans son envergure, est relativement récente. Pendant longtemps, en effet, les spécialistes « disciplinés » (qu'ils soient scientifiques, philosophes, épistémologues ou politologues) ont assuré qu'il existe « un site favorable d'où l'on puisse préjuger a priori de la justesse d'une pensée [...], un tribunal suprême pour juger de la clairvoyance ou de l'intelligence ». Ceux-là entendent difficilement l'appel d'Edgar Morin » à manifester dans les domaines de la vie intellectuelle, sociale et politique l'attention aux données, la critique des sources, la pertinence du diagnostic, l'adéquation de la théorisation, la prudence là où l'information fait défaut, la hardiesse là où il faut se dresser contre le courant... », bref, « de vivre pleinement ce que signifie le mot recherche dans le jeu incertain de la vérité et de l'erreur ».

« Ce que signifie le mot recherche ? » La question et la réponse complexe, qui est de « vivre pleinement la question », révèle peut-être dans sa vocation fondatrice l'entreprise d'Edgar Morin. « En 1951, à trente ans, écrit-il dans ses „Papiers d'identité“, j'ai la chance d'entrer au C.N.R.S. où je deviens institutionnellement ce que j'étais psychologiquement : „chercheur“... Un chercheur qui veut prendre conscience de l'irréductible complexité de toute réalité, physique, biologique, humaine, sociale, politique. Un chercheur qui sait qu'une science privée de réflexion et qu'une philosophie purement spéculative sont insuffisantes, [...] mutilées et mutilantes. »

Entreprise de recherche, et donc de production de connaissance : reconnaître les brèches et construire des arches, qui, transformant le paysage, inciteront sans cesse à reconnaître d'autres failles qui appelleront d'autres jonctions. Entreprise de recherche, pionnière plus que singulière, celle du chercheur explorateur qui sait que la « science avec conscience[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université d'Aix-Marseille III, directeur du Grasce, C.N.R.S. 935

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Média

Edgar Morin - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

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