MONROE DOCTRINE DE
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On désigne sous l'expression « doctrine de Monroe » les principes énoncés par le président James Monroe dans son message du 2 décembre 1823 au Congrès. En réalité, Monroe n'a jamais songé à exprimer une doctrine quelconque, relative à la politique étrangère des États-Unis, mais seulement à affirmer ou réaffirmer les lignes générales de la conduite de son pays en matière diplomatique, reprenant en cela les termes essentiels du message d'adieu de George Washington, le 19 septembre 1796, et l'adresse inaugurale de Thomas Jefferson. Les principes exprimés par Monroe et ses prédécesseurs n'ont été érigés en doctrine qu'au milieu du xixe siècle, à l'occasion de conflits opposant, sur le continent américain, les États-Unis et les puissances européennes. L'expression « doctrine de Monroe » en tant que telle semble avoir été utilisée pour la première fois en 1854, dans une dépêche diplomatique américaine.
Une lettre du 10 octobre 1823 de Thomas Jefferson à James Madison dans laquelle il commente la doctrine de Monroe et les théories de Pythagore sur le système solaire.
Crédits : Hulton Getty
James Monroe, président des Etats-Unis
Combattant de la guerre d'Indépendance, membre du Congrès constitutif des États-Unis, ambassadeur à Paris, James Monroe (1758-1831), est président des États-Unis de 1817 à 1825.
Crédits : Library of Congress, Washington D.C.
Les antécédents du message de Monroe sont maintenant bien connus grâce aux recherches des historiens américains D. Perkins et S. F. Bemis. Entre 1820 et 1823, le gouvernement des États-Unis s'inquiète de deux dangers : les ambitions russes sur l'Amérique du Nord ; les menaces d'intervention de la Sainte-Alliance sur l'ancien empire colonial espagnol. Le tsar avait, en 1821, lancé un oukase interdisant aux navires étrangers de s'avancer à moins de cent milles des côtes de l'Alaska, ce qui semblait cacher des visées impérialistes sur le Nord-Ouest du continent. Plus décisive semblait être la menace d'intervention des puissances de la Sainte-Alliance, inquiètes de la libération des colonies espagnoles d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale. Menace réelle ou supposée ? La chose peut être discutée, mais le précédent du congrès de Vérone, donnant mission aux Français de restaurer Ferdinand VII sur le trône d'Espagne (1822-1823), peut expliquer les craintes exprimées par les diplomates des États-Unis.
Une réplique à l'impérialisme européen (1823-1895)
Devant cette double menace, et surtout celle de la Sainte-Alliance, G. Canning, alors secrétaire au Foreign Office, fit des ouvertures au gouvernement des États-Unis qui, fort embarrassé, consulta les deux anciens présidents encore en vie, Jefferson et Madison. Le besoin d'énoncer clairement les bases de la politique étrangère des États-Unis semblait à tous évident : mais il valait mieux ne pas se lier à l'Angleterre, pour ne pas se laisser entraîner par une puissance européenne, et il convenait en outre de ne pas donner à cette déclaration un caractère trop provocateur. C'est pourquoi ce qu'on appelle la doctrine de Monroe tient en quelques paragraphes à l'intérieur du long message sur l'état de l'Union, de décembre 1823.
Deux principes y sont définis : le premier affirme que le continent américain doit désormais être considéré comme fermé à toute tentative ultérieure de colonisation de la part de puissances européennes, ce qui visait à la fois les puissances de la Sainte-Alliance et la Russie, et le second, qui en découle, que toute intervention d'une puissance européenne sur le continent américain serait considérée comme une manifestation inamicale à l'égard des États-Unis. Ces derniers se posaient en défenseurs de l'intégrité et de l'indépendance du Nouveau Continent, mais ne possédaient aucun moyen de faire respecter leurs principes.
Dans l'immédiat, le message de Monroe n'eut aucun effet pratique. Si les nouvelles républiques d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud l'accueillirent avec sympathie, elles étaient davantage portées à se tourner vers l'Angleterre, comme leur défenseur naturel, que vers les États-Unis, alors dénués de toute puissance militaire ou navale. En Europe, il passa pratiquement inaperçu, les États-Unis étant considérés comme une puissance négligeable dans le monde. En Angleterre, il suscita une certaine amertume chez Canning, mécontent de cette prise de position unilatérale, mais eut la sympathie de l'opposition. En fait, sur le moment, en l'absence de toute menace directe, comme l'ont montré les historiens américains, il ne pouvait avoir qu'un écho fort limité.
Dans les années qui suivirent, les États-Unis se refusèrent à tirer les conséquences des principes qu'il contenait. Ainsi, lorsqu'au congrès de Panamá (1826) Bolívar chercha à obtenir des engagements précis au sujet d'une coopération entre les États-Unis et les nouvell [...]
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Écrit par :
- Claude FOHLEN : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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Pour citer l’article
Claude FOHLEN, « MONROE DOCTRINE DE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 25 janvier 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/doctrine-de-monroe/