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OSTER DANIEL (1938-1999)

Romancier, Daniel Oster – né le 15 mai 1938 – ne doit pas faire oublier qu'il fut aussi un critique littéraire d'une agressive et radicale nouveauté. À sa pratique de l'écriture romanesque, sa critique des romans contemporains dont il tint la rubrique dans Les Nouvelles littéraires, son rejet revendiqué des romans qu'il avait écrits avant Dans l'intervalle (1987), on doit sans aucun doute son intérêt pour la théorie littéraire. Rien ne fut chez lui spéculation abstraite : de son expérience, de ses lectures, de ses amitiés ou de ses inimitiés, de ses refus de la doxa naissait l'intuition d'un système pour expliquer, prendre le contre-pied et comprendre. C'est le respect et l'affection qui lui firent écrire sur Jean Cayrol (Jean Cayrol et son œuvre, Seuil, 1967), sa réflexion sur la modernité poétique qui le conduisit à Apollinaire (Guillaume Apollinaire, 1975) avant Mallarmé. Sans oublier qu'il édita Montesquieu (coll. L'Intégrale, Seuil, 1964), préfaça Balzac, Lautréamont, Villiers de l'Isle-Adam, Huysmans et quelques autres.

Son premier livre de critique est consacré à Valéry (Monsieur Valéry, 1981). Œuvre de fascination pour un homme complexe, à la fois écrivain d'institution et penseur lucide, continuellement en éveil, auquel Daniel Oster devait sa vigilance critique. Au contact des Cahiers et de sa constellation de « combinaisons mentales possibles » (P. Valéry), Daniel Oster a compris que dans la littérature – produite, reconnue et consommée – se joue un acte de croyance. C'est cet acte qu'il n'a cessé de décrire et d'analyser. À travers lui, il tente de comprendre l'enjeu de l'écriture quand elle s'éloigne d'une pure pratique ludique pour devenir littérature. On saisit mieux ainsi son intérêt pour l'institution académique – qu'il connaissait de l'intérieur, pour avoir travaillé à partir des années 1960 au secrétariat de l'Académie française –, son questionnement exigeant et critique des travaux sur la naissance de l'écrivain d'Alain Viala ou sur le champ littéraire de Pierre Bourdieu. Avec Passages de Zénon (1983) et ses lectures d'Artaud, Rimbaud, Breton, Blanchot, Apollinaire ou Philippe Sollers, Daniel Oster s'interroge sur les légitimations et les mises en scène de l'écrivain, dès lors qu'il se réclame des ruptures de la modernité. Il en démonte les effets d'illusion, les postures, les inavouables complicités et analyse la relation impossible, mais pourtant proclamée, de l'écriture au vrai et au réel. Quelques-unes de ces propositions seront développées dans La Vie parisienne, (1989), puis dans Gens de lettres, écrivains et bohème. L'invention littéraire, 1630-1914 (Minerve, 1993), écrits en collaboration avec Jean Marie Goulemot, Daniel Oster centrant pour sa part l'analyse sur le milieu littéraire des chroniqueurs de presse du second Empire et leur évocation du Paris bohème et marginal. Dans L'Individu littéraire (1997), si l'objet demeure le même, les angles d'attaque ont changé. C'est la participation de l'histoire littéraire au procès de mythification de la littérature et de l'écrivain qui est ici mise en question. Ce ne sont plus les écrivains eux-mêmes qui construisent leur légitimation à travers les figures du rebelle, du bohème, du prophète, de l'insurgé ou de l'inspiré, mais le discours critique, qu'il soit anthologique, biographique ou de simple commentaire. L'analyse de ces figures prend acte du rôle conjoint de l'institution littéraire, vaste complexe où tiennent leur partie les écrivains, les critiques, les lecteurs qui adhèrent, les institutions qui reconnaissent et parfois couronnent, de l'école aux prix littéraires en passant par la mémoire collective qui commémore et donne au modèle.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de l'université de Tours, Institut universitaire de France

Classification

Pour citer cet article

Jean Marie GOULEMOT. OSTER DANIEL (1938-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LA GLOIRE et L'INDIVIDU LITTÉRAIRE (D. Oster)

    • Écrit par Gilles QUINSAT
    • 1 408 mots

    Dans le langage pictural, la gloire évoque l'auréole enveloppant le corps du Christ, le nimbe signalant la présence divine. De fait, c'est bien comme une icône de la modernité que Mallarmé nous apparaît aujourd'hui, ou encore comme le prophète d'une conception de la littérature qui a commencé à se...

Voir aussi