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MALAPARTE CURZIO (1898-1957)

Le roman essai

On retrouve constamment dans les expériences littéraires de Malaparte une attirance pour la satire politique, le besoin d'aborder l'actualité la plus brûlante par le biais d'un style capable d'allier le journalisme à la littérature.

En effet, l'écriture de Malaparte fait éclater les genres. Dès son premier essai, Viva Caporetto !, qu'il écrit et publie à son compte en 1921, les observations sont incisives, le ton polémique. Les conclusions s'appliquent à la fois aux idéologies en général et aux mœurs italiennes en particulier. L'auteur montre comment la guerre n'est pas voulue par ceux qui la combattent mais bénéficie à ceux qui la veulent, ce qui le rapproche des thèses défendues par Henri Barbusse dans son roman Le Feu, paru en 1916.

Dans cette perspective, les deux œuvres majeures de Malaparte, celles qui font de lui un très grand écrivain du xxe siècle, sont incontestablement Kaputt (1944) et La Peau (La Pelle, 1949). Deux livres « cruels », selon sa propre définition, deux visions tragi-comiques d'un spectateur des entreprises les plus scabreuses d'une Europe qui n'est plus qu'une « famille d'assassins, de ruffians et de lâches », comme il l'écrit dans Il y a quelque chose de pourri. Une Europe que seul l'ingénuité des Américains pouvait sauver de son destin funeste. Les horreurs et la dégradation de l'homme qui tire son plaisir de la mort commencent avec Kaputt sur les fronts de l'Est, où Malaparte a été envoyé par le Corriere della sera. Elles se poursuivent dans La Peau sous le ciel blême de Naples où entrent les Alliés en septembre 1943. Là, le peuple se livre au commerce de ses propres enfants en renonçant à la liberté et à la dignité afin de survivre, de « sauver sa peau ». Liliana Cavani a réalisé en 1981 une adaptation cinématographique de ce roman en en confiant le rôle principal à Marcello Mastroianni. Dans ces deux récits, l'écriture de Malaparte trouve sa plénitude, dans une sorte de provocation baroque qui tranche avec les pages écrites par la plupart des grands témoins du conflit mondial, qui tendent à un témoignage aussi objectif que possible. Mais, dans une optique aussi crue et cruelle, comment ne pas penser aux pages de Norman Mailer produites un peu plus tard dans Les Nus et les Morts (1948), et comment ne pas évoquer l'anticipation que constitue le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, écrit dès 1932 ?

Malaparte fut également tenté par le cinéma. Il réalise et présente en 1951 au festival de Cannes un long-métrage intitulé Christ interdit (Il Cristo proibito). Il y traite non seulement avec talent, mais aussi en profondeur, un thème brûlant de l'après-guerre, celui des rapports entre la justice, l'esprit de vengeance et la paix. Le monde du cinéma lui reprochera cependant une facture contestable, hésitant entre innovations périlleuses et solutions académiques.

Cet homme qui aimait être ce que les Italiens appellent un « Bastian contrario » (un esprit de contradiction) couronna sa carrière, peu avant sa mort, par une spectaculaire conversion au catholicisme associée à une profession de foi en faveur de la Chine populaire à laquelle il légua sa villa de Capri.

— Giovanni JOPPOLO

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Écrit par

  • : professeur habilité à diriger des recherches en art moderne et contemporain

Classification

Pour citer cet article

Giovanni JOPPOLO. MALAPARTE CURZIO (1898-1957) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ITALIE - Langue et littérature

    • Écrit par Dominique FERNANDEZ, Angélique LEVI, Davide LUGLIO, Jean-Paul MANGANARO
    • 28 412 mots
    • 20 médias
    ...de Domenico Rea (1921-1994), Spaccanapoli (1947) et Gesù, fate luce ! (1950). Ce thème est également au centre du grand roman La pelle (1949) de Curzio Malaparte (pseudonyme de Curt Erich Suckert, 1898-1957) dont l’écriture expressionniste avait dressé, entre satire et tragédie, le bilan de...

Voir aussi