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CULTURE Vue d'ensemble

Si elles supposent toutes un système symbolique de représentations et de pratiques, les définitions de la notion de culture s'inscrivent dans une double tension : entre une acception universelle qui l'oppose globalement à la nature et un sens relativiste désignant les mœurs et coutumes des peuples ; entre un usage restreint aux œuvres d'art reconnues comme telles et une approche anthropologique plus large englobant les manières de penser et de faire de différents groupes (nations, ethnies, classes...). Ces tensions s'enracinent dans l'histoire de la notion de la culture et de ses usages sociaux.

Apparue au xvie siècle pour qualifier l'enrichissement de l'esprit au moyen d'exercices intellectuels, elle fut opposée à la fin du xviiie siècle à celle de civilisation par des penseurs allemands qui, dans leur volonté d'affirmer leur identité nationale face à l'hégémonie française, lui ont conféré sa connotation relativiste. À rebours de l'idée d'un développement historique unique qui établit une hiérarchie entre les peuples, le terme « Kultur », conceptualisé notamment par le philosophe allemand Johann Gottfried von Herder, signifie en effet le génie propre à chaque peuple. Lié à l'émergence d'une sphère intellectuelle qui se différencie progressivement de la sphère religieuse en se réclamant de l'autonomie de la raison, il participe en même temps de l'avènement des États-nations.

À partir du milieu du xixe siècle, le concept de culture se développe parallèlement dans les sciences de l'homme naissantes pour constituer, contre les explications naturalistes qui ancrent les conduites humaines dans des données biologiques (races, instincts, besoins, hérédité) et environnementales (théorie des climats), un ordre de phénomènes et un domaine de savoir distincts de ceux des sciences de la nature. En Allemagne, les « sciences de la culture » rappellent que leur objet est également un sujet, doté d'une faculté réflexive, d'où la nécessité de recourir à la méthode interprétative et de s'interroger sur le sujet même de la connaissance. Elles ouvrent la voie à l'étude de la représentation du monde, qu'Ernst Cassirer engage dans une perspective historique en portant au jour les formes symboliques propres à une époque. C'est aux catégories de perception que s'intéresse également l'anthropologie culturelle américaine initiée par Franz Boas, mais pour rechercher le dénominateur commun aux différentes cultures – une tâche que se donne aussi la linguistique structurale en s'intéressant à la « langue », c'est-à-dire aux structures communes, plutôt qu'à la « parole ». En France, la sociologie durkheimienne a joué ce rôle, en établissant, contre le réductionnisme biologique ou psychologique, le caractère sui generis des faits sociaux. Son approche fonctionnaliste des faits culturels est reprise par l'anthropologie sociale britannique (Alfred R. Radcliffe-Brown et Bronislaw Malinowski notamment). L'anthropologie structurale de Lévi-Strauss réalisera, après la Seconde Guerre mondiale, la synthèse de la tradition empirique anglo-saxonne et de l'apport de l'école sociologique française, en se penchant, comme y invitaient Émile Durkheim et Marcel Mauss, sur l'étude des formes de classification.

L'utilisation du terme culture se généralise et s'institutionnalise dans l'entre-deux-guerres. Phénomène de société, la production culturelle dans le deuxième sens du terme devient un objet d'étude à part entière. L'industrialisation de la production des biens culturels, d'abord le livre et la presse (le roman-feuilleton), puis la musique et le cinéma, a engendré ce qu'on a appelé la culture de masse. Assignant à la culture le rôle de formation de la conscience collective qui revenait auparavant[...]

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Écrit par

  • : directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, directrice de recherche au C.N.R.S.

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