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PRAGUE COUP DE (1948)

La crise que connut la Tchécoslovaquie, du 13 au 25 février 1948, se déroula tant au niveau des institutions qu'au niveau de la rue. Les communistes, qui avaient obtenu 38 p. 100 des voix aux élections de mai 1946, contrôlaient directement des ministères clés tels l'Intérieur, l'Information, l'Agriculture, les Finances et, indirectement, la Défense, l'Industrie et les Affaires étrangères. Les sociaux-démocrates (13 p. 100 des voix) étaient divisés, les communistes sachant en faire des otages en leur offrant des postes dans le syndicat unique (R.O.H.), dans les collectivités locales et régionales et dans l'industrie nationalisée.

Le désintérêt de l'Ouest marqué à Yalta, et le veto soviétique de juillet 1947 barrant à la Tchécoslovaquie l'accès au plan Marshall, n'avaient changé en rien l'attitude des partis centristes de la coalition de Front national (Parti socialiste-national, Parti populaire et Parti démocrate slovaque) ; ceux-ci acceptaient de réduire leur conception de la démocratie parlementaire à un pluralisme d'états-majors limité aux instances de direction du pays. Seuls les communistes disposaient d'un véritable parti de masse et d'organisations populaires servant de courroies de transmission. Grâce au ministre de l'Intérieur, Nosek, ils étendaient leur contrôle sur toutes les forces armées, intimidant ainsi leurs partenaires (attentats contre des ministres, affaires d'espionnage en Slovaquie).

Le 13 février 1948, à la Chambre et au Conseil des ministres, tous les partis non communistes, ainsi que Ludvik Svoboda « personnalité non politique », somment Nosek de renoncer à remplacer par des communistes huit commissaires divisionnaires de Prague. Les socialistes-nationaux espèrent alors obtenir une victoire tactique sur le Parti communiste tchécoslovaque à la veille d'élections qui devaient, selon un sondage, amener un recul des communistes. Le comité central du Parti communiste tchécoslovaque réagit très violemment en accusant ses adversaires de complot et en convoquant un congrès des comités d'entreprise pour le 22 février et un congrès paysan pour le 29. Les sociaux-démocrates, Svoboda et Jan Masaryk, ne suivent pas les trois partis centristes dans leur boycott (Sitzstreik) des réunions du Conseil des ministres, qui aboutit le 20 février à la démission de leurs douze ministres (sur vingt-six).

Constitutionnellement, le gouvernement n'est pas renversé. Désormais, seul le président de la République, E. Beneš, ancien socialiste-national, peut trancher en refusant la démission et en dissolvant le ministère. Les communistes se jettent alors dans l'action de rue, relayée par les moyens de communication de masse. Le 21 février, lors d'une manifestation imposante, Klement Gottwald, Premier ministre et président du Parti communiste tchécoslovaque, appelle à la constitution de comités d'action dans toutes les institutions, organisations et lieux de travail. Le même jour, le parti décide d'armer les milices d'entreprise (milice populaire). Les sociaux-démocrates neutralisés ne peuvent qu'être arbitres, d'autant plus qu'ils approuvent la nouvelle vague de nationalisations proposée par le R.O.H. et le Parti communiste tchécoslovaque. Les autres partis se bornent à organiser des réunions électorales en province. Le vieux Beneš, cardiaque et diabétique, est très isolé. Avec les sociaux-démocrates et Jan Masaryk, il redoute la guerre civile et une intervention militaire de l'U.R.S.S., dont l'éventualité est matérialisée, dès le 19 février, par l'arrivée impromptue du vice-ministre soviétique des Affaires étrangères, Valerian Zorine. Le 23 février se met en place le Comité central d'action, embryon d'un Front national rénové ouvert aux organisations de masse et dirigé par le P.C.T. et les crypto-communistes des autres partis. Le 24 février, une grève d'une[...]

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Écrit par

  • : docteur de troisième cycle, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, diplômé de l'École nationale des langues orientales, chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Vladimir Claude FISERA. PRAGUE COUP DE (1948) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GUERRE FROIDE

    • Écrit par André FONTAINE
    • 10 933 mots
    • 27 médias
    ...la police. Mais ils perdent la partie, et, le 25 février, le président Edvard Beneš se résigne à mettre en place un gouvernement communiste homogène. Le « coup de Prague », qui fait croire qu'une nouvelle guerre mondiale est inévitable, répand un début de panique. Le 17 mars, la Grande-Bretagne, la France...
  • MISE EN PLACE D'UN MONDE BIPOLAIRE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Vincent GOURDON
    • 445 mots

    1945 Conférence de Yalta (4-11 février). Capitulation allemande à Berlin (8 mai). Signature de la capitulation sans condition du Japon (2 septembre).

    1946 Discours de Churchill à Fulton dénonçant le « rideau de fer » s'abattant sur le continent européen (5 mars).

    1947 Discours...

  • TCHÉCOSLOVAQUIE

    • Écrit par Marie-Elizabeth DUCREUX, Michel LARAN, Jacques RUPNIK
    • 12 946 mots
    • 10 médias
    L'originalité de la prise du pouvoir par le Parti communiste en février 1948 – ce que l'on a appelé le« coup de Prague » – tient essentiellement à l'utilisation par le P.C. des canaux institutionnels existants avec des moyens de pression extraparlementaires. À l'approche des élections prévues...

Voir aussi