CORPORATISME
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Le corporatisme est une doctrine fondée sur le principe d'une organisation de la profession telle que toutes les catégories sociales lui appartenant participent à sa réglementation et à sa protection. La profession ainsi organisée devient une institution nantie de pouvoirs de décision, de représentation, de discipline, dans les domaines social, économique et éventuellement politique.
De nombreuses tendances se sont manifestées au sein de cette doctrine ; elles ont toutes un fond commun. D'abord, le respect des principes qui régissaient les communautés d'arts et métiers, les corps et ordres de l'Ancien Régime. Ensuite, l'admission des idées essentielles de catholiques sociaux, surtout René de La Tour du Pin et Albert de Mun qui, en France, préconisèrent un « ordre social chrétien ». Enfin, la croyance en un équilibre dynamique, sur le plan social et sur le plan économique, assuré grâce à la coopération productive de tous les hommes du même métier et à l'action directe des professions organisées en fonction des programmes et des politiques économiques de l'État.
Le corporatisme cherche à se situer à égale distance de l'individualisme libéral et du collectivisme. Les régimes politiques qui se sont recommandés de lui – à juste titre, selon les uns, abusivement, selon les autres – furent tous d'un type dictatorial. En cela la doctrine a été ternie. Il n'en reste pas moins que des expériences ont été sources d'enseignements et que toutes les théories modernes tendant à accroître la représentativité et le pouvoir réglementaire des professions, la coopération interprofessionnelle sur le plan national ou régional, la collaboration organisée entre les syndicats, la participation de toutes les catégories du travail à la gestion des entreprises ou à certains éléments de cette gestion, se sont inspirées implicitement de l'idée corporatiste.
Corporation économique et corporation sociale
Selon la théorie corporatiste qui, en se référant à La Tour du Pin, se présente comme seule orthodoxe, l'ensemble des problèmes financiers, économiques et sociaux qui se posent à une profession doivent être soumis à la discussion et à la décision des représentants de tous les membres des entreprises concernées. Chaque « catégorie » élirait donc en son sein ses représentants aux instances de la corporation. Les auteurs s'accordent sur la nécessité d'assurer ainsi une triple représentation : des patrons, des techniciens et des travailleurs. Mais ils diffèrent sur la détermination des effectifs élus par chaque catégorie, et aussi sur la composition de ces dernières : certains souhaitent une représentation massive des cadres techniques, d'une part, et de la main-d'œuvre ouvrière et employée, d'autre part, alors que d'autres veulent, pour les cadres techniques et pour la main-d'œuvre, une représentation proportionnelle à l'importance respective des principales spécialités.
Les pouvoirs de décision économique de chaque groupe d'élus dans les instances corporatives varient selon les auteurs. Un courant, dit « socialisant », préconise l'égalité au niveau du pouvoir de décision entre chacun des trois grands groupes : patronat, techniciens, personnel. Un autre courant, se recommandant de thèses émises par F. Perroux dans son ouvrage Capitalisme et communauté du travail (1936), penche pour une égalité entre la représentation patronale et la représentation ouvrière, arbitrée par des techniciens. Enfin, un troisième courant, dit « conservateur », tient à une majorité absolue du patronat face à l'ensemble des représentations de salariés, techniciens et main-d'œuvre. Il en est même qui ne reconnaissent aux instances « tripartites » que le droit à la discussion et à la délibération consultative, la décision demeurant au seul patronat.
Corporatisme de profession et corporatisme d'entreprise
La théorie du corporatisme de profession veut que les représentants de chaque catégorie à l'organisation corporative soient élus par leurs pairs de toutes les entreprises ressortissant à la profession, de manière qu'ils définissent les règles applicables au métier tout entier, et par suite à tous les établissements. Ce corporatisme admet en fin de compte l'existence de syndicats de base, obligatoires, qui délégueraient leurs dirigeants auprès des institutions corporatives.
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Écrit par :
- Maurice BOUVIER-AJAM : président du Conseil supérieur de l'Institut de droit appliqué
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Pour citer l’article
Maurice BOUVIER-AJAM, « CORPORATISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 08 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/corporatisme/