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LA TOUR DU PIN CHAMBLY DE LA CHARCE RENÉ marquis de (1834-1924)

Un des fondateurs, avec Albert de Mun et Léon Harmel, du catholicisme social, et le théoricien du mouvement. La Tour du Pin a subi l'influence de Frédéric Le Play et de son école de la Réforme sociale. Légitimiste de cœur, il a été marqué par la lettre adressée en 1865 aux ouvriers par le comte de Chambord, qui traçait un programme d'action sociale. Comme Albert de Mun, la défaite de 1871 et la Commune l'ont profondément et durablement atteint : il participe à la constitution des Cercles catholiques d'ouvriers. Attaché militaire à Vienne de 1877 à 1880, il découvre en Autriche l'école catholique sociale et se lie avec le prince de Liechtenstein et le baron de Vogelsang. De retour en France, il dirige la section des études de l'Œuvre des cercles et publie dans L'Association catholique des articles qu'il réunit ensuite sous le titre Vers un ordre social chrétien : jalons de route, et qui constituent la tentative la plus systématique pour édifier une doctrine sociale catholique.

Sa pensée prend le contre-pied de l'individualisme libéral ; elle est foncièrement contre-révolutionnaire et entend restaurer une société hiérarchique, fondée sur un certain nombre de communautés naturelles : la famille, préservée de la dislocation par l'indissolubilité du mariage ; l'atelier, au sein duquel un contrat de travail garantit stabilité de l'emploi et sécurité des travailleurs et qui s'intègre dans la corporation ; celle-ci, constituée en corps organisé, dispose d'un patrimoine, a compétence pour toutes les questions économiques et sociales, participe à l'exercice du pouvoir politique ; elle est une des cellules organiques autour desquelles peut se reconstituer une société. Les provinces aussi contribuent à l'heureux fonctionnement de cette dernière. Au sommet de cette pyramide de corps organisés, le monarque exerce un pouvoir d'arbitre. Cette pensée se montre ainsi hostile en tout à la domination de la bourgeoisie, à l'économie industrielle, à l'individualisme.

La Tour du Pin poursuit par ailleurs des études précises de caractère technique sur les prix, la rétribution du capital, les fermages, le salaire familial. La nature réactionnaire de ces vues générales isole peu à peu La Tour du Pin. En 1890, il se sépare de l'Œuvre des cercles, mais poursuit cependant sa collaboration à L'Association catholique. L'évolution du catholicisme, le ralliement, l'essor d'une nouvelle branche du catholicisme social plus favorable à la démocratie nuisent à son influence. Il continue néanmoins d'inspirer un certain nombre de réformateurs sociaux, et l'école d'Action française le revendique comme l'un de ses inspirateurs.

— René RÉMOND

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Écrit par

  • : président de la Fondation nationale des sciences politiques

Classification

Pour citer cet article

René RÉMOND. LA TOUR DU PIN CHAMBLY DE LA CHARCE RENÉ marquis de (1834-1924) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CATHOLICISME LIBÉRAL ET CATHOLICISME SOCIAL

    • Écrit par René RÉMOND
    • 7 280 mots
    ...l'universalité du péril révolutionnaire – le spectacle de la Commune a été décisif pour la naissance de la vocation sociale d'un Albert de Mun et d'un La Tour du Pin –, les catholiques ont le devoir d'intervenir. Leur religion leur en fait une obligation de conscience : « sociaux parce que catholiques...
  • CORPORATISME

    • Écrit par Maurice BOUVIER-AJAM
    • 2 039 mots
    • 1 média
    Selon la théorie corporatiste qui,en se référant à La Tour du Pin, se présente comme seule orthodoxe, l'ensemble des problèmes financiers, économiques et sociaux qui se posent à une profession doivent être soumis à la discussion et à la décision des représentants de tous les membres des entreprises...

Voir aussi