CONSOMMATION Critiques de la consommation
Les critiques de la consommation peuvent être classées d'après différents principes. Selon que l'on prête, ou non, un sens historique précis à la notion de consommation, on distinguera entre des critiques intemporelles et celles qui ont été engendrées par le développement du capitalisme. Selon la portée que l'on attache au mot de critique, on distinguera des critiques plutôt pratiques, liées à l'usage de biens déterminés, ou des critiques plutôt théoriques, liées à des considérations morales, philosophiques ou politiques. Enfin, selon les conséquences sociales impliquées par les différentes critiques, on peut les répartir en principales rubriques : pragmatiques quand des remèdes sont envisageables par l'accord des parties concernées, réformistes quand les remèdes supposent une intervention de la puissance publique, radicales quand les remèdes sont jugés impossibles dans le cadre de l'ordre social existant (versions de gauche ou de droite), ou même, de tout ordre possible (versions pessimistes de critique de la « modernité »).
Pour concilier ces différents principes, on entremêlera deux modes de présentation, l'un historique et l'autre par degrés de sophistication.
L'ordre injuste
La notion abstraite de consommation s'est développée à partir du xviiie siècle. Jusqu'alors, les biens pouvaient être répartis selon l'échelle des « conditions » entre deux pôles socialement marqués : celui de la « dépense », de la « gloire » pour les grands ; celui de la simple nécessité pour les pauvres. Dans des sociétés fondées sur le statut et la naissance, la production et la circulation des biens demeuraient à des niveaux sensiblement inférieurs à ceux qu'ont connu les xixe et xxe siècles, et une bonne partie de la population n'avait qu'un accès modeste au marché. L'acceptation de son sort, notamment chez les humbles, avait pour contrepartie plus ou moins tacite la rectitude et la bienfaisance de la part des détenteurs de richesse et de pouvoir. La légitimité des dominants était reconnue, mais à condition qu'ils respectassent l'ordre des choses. Contrastant avec la prospérité insolente des grands, la misère matérielle inspirait chez les individus concernés des griefs fondés sur des arguments de cupidité, de cruauté, de frivolité, et autres vices responsables de leurs souffrances insupportables. La logique des relations d'homme à homme, combinée avec l'état des modes de production et de contrôle, avait pour effet d'entretenir une méfiance latente, et parfois ouverte, pour les détenteurs et offreurs de biens. Une bonne illustration est fournie par le cas du pain, denrée essentielle dans l'Ancien Régime. La question qui se posait de façon obsédante aux acheteurs, notamment dans la mythologie de la « conspiration », était celle de savoir si la farine n'avait pas été frelatée, le produit offert étant alors jugé à la fois surévalué et dangereux. Le bien-être du peuple trouvait presque toujours sur son chemin le personnage de l'« affameur ».
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Écrit par
- Louis PINTO : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
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Pour citer cet article
Louis PINTO, « CONSOMMATION - Critiques de la consommation », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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