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CLASSES D'ÂGE, anthropologie

Obligations mutuelles et solidarité

Dans les deux systèmes, l'importance des classes d'âge se révèle être inversement proportionnelle à celle des lignages, laquelle est d'autant plus grande que la solidarité organique de ces derniers est moindre et leur extension plus limitée dans le temps comme dans l'espace. Néanmoins, la classe d'âge établit partout entre camarades de promotion une solidarité inconditionnelle qui les suivra toute leur vie. Alors que les activités qui se déroulent à l'intérieur de la famille soulignent les différences d'âge – les rapports entre frères s'établissent entre aîné et cadet, donc toujours de supérieur à inférieur –, les jeunes initiés qui ont souffert ensemble l'épreuve d'une nouvelle naissance se trouvent soudés par un lien dont la pensée occidentale parvient difficilement à concevoir l'intensité. Chacun peut tout attendre de ses camarades de promotion, et ceux-ci peuvent tout lui demander. Riches et pauvres, fils de nobles et descendants d'esclaves, les circoncis qui ont subi ensemble les épreuves de l'initiation sont en quelque mesure des jumeaux. Deux chefs de famille appartenant à la même promotion se soutiendront ; si tous les deux font partie du conseil du village, ils seront solidaires et défendront les mêmes points de vue.

La réciprocité au sein du système des classes d'âge est à la fois directe et indirecte. Elle est directe à l'intérieur de la promotion, où l'individu attend de ses camarades le même appui qu'ils pourront exiger de lui ; elle est indirecte (totale) dans les rapports entre promotions voisines, les B rendant à leurs cadets C les brimades qu'ils ont jadis endurées de la part de leurs aînés A. De même, dans les rapports de parenté, le « petit frère » doit à son frère plus âgé le respect que celui-ci témoigne à ses aînés. Partout, c'est à ses compagnons de classe qu'un homme proposera telle ou telle entreprise collective. Jadis, les jeunes gens « volaient » un champ à son propriétaire en allant y effectuer à son insu sarclage ou moisson ; l'intéressé devait ensuite offrir à ceux-ci un festin et des cadeaux s'il ne voulait pas perdre la face. Les propositions se sont modifiées avec les changements économiques : aujourd'hui, par exemple, un jeune homme suggérera à ses compagnons de faire l'acquisition d'un « taxi de brousse » pour le transport des voyageurs, ou d'un camion dont le chauffeur ira acheter en ville des vivres que les épouses se partageront pour les revendre au détail sur les marchés des environs.

— Denise PAULME

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Pour citer cet article

Denise PAULME. CLASSES D'ÂGE, anthropologie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Guerrier Massaï - crédits : P. Almasy/ AKG-images

Guerrier Massaï

Autres références

  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Religions

    • Écrit par Marc PIAULT
    • 9 619 mots
    • 1 média
    ...les âges de la vie, notamment avec les passages de l'enfance à l'âge adulte. C'est un processus de socialisation des jeunes, qui peuvent, rassemblés en classes d'âges, passer un temps plus ou moins long, en dehors du village, à recevoir l'éducation que tout homme du groupe doit avoir. La circoncision...
  • ETHNOLOGIE - Ethnologie générale

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    ...particuliers, souvent le droit d'épouser en priorité les jeunes femmes ; leur position peut aussi être renforcée par un savoir magique ou des tabous. Parfois, le principe des âges est formalisé par un système de grades. Le changement de statut, de l'enfant à l'adulte, est marqué par une cérémonie d'...
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    Ledeuxième des critères « naturels » qui règlent les rapports sociaux et les configurations culturelles est celui de l'âge. Selon la formule de Lowie, il est « véritablement déterminant de toute vie sociale ». Il intervient à la fois comme facteur favorable à l'« association » et comme...
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