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CHORORAPITHECUS

Neuf dents isolées, dont quatre fragmentaires, découvertes entre 2005 et 2007 en Éthiopie, dans la région de Chorora (site de Beticha), ont été rapportées à un nouveau grand singe fossile, Chororapithecus abyssinicus, par une équipe nippo-éthiopienne dirigée par Yonas Beyene et Gen Suwa. Ces fossiles proviennent de la partie supérieure de la Formation de Chorora, dont les sédiments sont datés de 10 à 10,5 millions d'années par biochronologie et radiométrie.

Le matériel, qui appartient à plusieurs individus, est constitué d'une deuxième molaire supérieure droite (l'holotype de l'espèce), d'une canine inférieure gauche, de deux troisièmes molaires supérieures droites, d'une troisième molaire inférieure gauche, d'une première molaire inférieure gauche, d'un fragment de molaire inférieure gauche, d'un fragment de molaire inférieure droite et une troisième molaire supérieure droite. Ces dents, dont la taille rappelle celle des individus de Gorilla gorilla, ressemblent, par la présence de crêtes marquées, à celles des gorilles qui se nourrissent généralement de plantes fibreuses qu'ils déchirent, mais leurs tubercules sont moins élevés et placés plutôt en périphérie. Le cingulum (bourrelet d'émail) est plus faible et les molaires (à l'émail épais) un peu plus larges. Toutefois, le matériel apparaît trop fragmentaire pour permettre de démontrer une réelle parenté de Chororapithecus avec les gorilles de type moderne : les dents mises au jour sont isolées et les grands singes du Miocène, avec lesquels les comparaisons sont limitées, présentent une grande variabilité. Ainsi, le Samburupithèque – un grand singe vieux de quelque 9,5 millions d'années découvert dans les collines Samburu au Kenya – n'est représenté que par un maxillaire. On ne peut donc pas tester la variabilité de l'espèce et on ne connaît pas ses dents inférieures.

Les restes d'animaux fossiles suggèrent que l'environnement de Chororapithecus aurait été plutôt humide, riche en primates, pauvre en hipparions (ancêtres de chevaux), par ailleurs les hippopotames, les cochons et les girafes sont assez communs. La nature des sédiments indique un bord de lac boisé, alternant avec des milieux plus ouverts.

Selon les auteurs, on se trouverait en présence d'un proto-gorille, et la découverte confirmerait l'hypothèse d'une divergence ancienne entre hommes et grands singes, située au moins aux environs de 10 millions d'années. Notre lignée s'avérerait ainsi plus ancienne que ne l'indiquaient les dates généralement avancées par les biologistes moléculaires (5 à 6 millions d'années). Or ces hypothèses ne sont pas nouvelles : l'ancienneté de notre lignée avait déjà été suggérée par la présence d'hominidés potentiels au Kenya (Orrorin tugenensis, âgé de 6 millions d'années), au Tchad (Sahelantropus tchadensis, daté de 6 à 7 millions d'années) et en Éthiopie (Ardipithecus kadabba, vieux de 5,4 à 5,8 millions d'années), ainsi que par la découverte, dans les collines Tugen (Kenya), annoncée en 2004, de dents gorilliformes et chimpanziformes dans des niveaux datés respectivement de 6 et 12,5 millions d'années. Mais aucune comparaison n'a été effectuée avec ces dernières.

La découverte de Chororapithecus vient donc confirmer les données précédentes qui suggèrent une origine plus ancienne des grands singes africains de type moderne.

— Brigitte SENUT

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Écrit par

  • : professeure de première classe au Muséum national d'histoire naturelle

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Pour citer cet article

Brigitte SENUT. CHORORAPITHECUS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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