BLOIS CHÂTEAU DE
Résidence princière, puis royale, notamment sous les Valois, le château de Blois, resté à ce titre dans les mémoires pour divers épisodes majeurs de l'histoire de France comme l'assassinat du duc de Guise en 1588, est aussi l'un des monuments où se traduit le mieux l'évolution des différents styles architecturaux du Moyen Âge au xixe siècle. Aussi fait-il partie des tout premiers édifices protégés comme monuments historiques, puisqu'il fut classé dès 1841, avant Chambord ou Fontainebleau.
L'emplacement, un promontoire dominant le fleuve, facile à isoler par un fossé, était particulièrement favorable à la mise en défense. Attestés depuis le vie siècle, les comtes de Blois, qui comptent, quatre cents ans plus tard, parmi les principaux féodaux du royaume, y bâtirent très tôt un château, plusieurs fois transformé, notamment par le comte Thibaud le Tricheur, vers 950, et surtout aux xiiie et xive siècles, quand la puissance des comtes se renforça par l'acquisition de la Champagne. C'est alors que fut construite l'enceinte, dont subsistent quelques vestiges, ainsi que la partie la plus ancienne de l'édifice actuel, la grande salle dite des États généraux, probablement bâtie par Thibaud VI (mort en 1218). Il s'agit d'ailleurs de l'une des plus anciennes « salles de gouvernement » de style gothique, antérieure à celle du palais de Justice à Paris.
L'accession au trône, en 1498, de Louis d'Orléans qui, par le jeu des apanages, était alors comte de Blois, allait donner au château un éclat nouveau. Louis XII, le nouveau souverain, y était né, en avait fait sa résidence habituelle et continua à y demeurer. Il lui ôta son aspect militaire : les fortifications cessèrent alors d'être entretenues, d'autres éléments de défense étant détruits, et un logis fut construit, dont reste, à l'entrée, le bâtiment central, l'actuelle aile Louis XII, en brique et pierre, pourvue d'un abondant décor sculpté. Si l'inspiration reste celle du gothique finissant, commence toutefois à s'y manifester une certaine influence italienne. Il en va de même dans la chapelle Saint-Calais (dont ne subsiste aujourd'hui que le chœur, la nef ayant été détruite au xviie siècle). Au moment où François Ier accède au trône, le château a ainsi changé d'aspect dans sa destination, résidentielle et non plus militaire, un peu moins dans le style, qui reste encore dans la tradition française. C'est à Blois que le nouveau souverain va, en quelques années (probablement de 1518 à 1524) profondément laisser sa marque, avec l'aile qui porte son nom (amputée d'un tiers au xviie siècle par l'aile Gaston d'Orléans). Elle ne fut pas édifiée à partir de rien, des constructions antérieures ayant été remaniées, ni en une seule fois, plusieurs projets successifs s'étant succédé, à chaque fois en partie réalisés. En résulte une disposition intérieure peu rationnelle, ainsi que la différence entre les deux façades, celle des Loges, tournée vers la ville, et celle de la cour intérieure, sur laquelle se détache le célèbre et spectaculaire escalier extérieur. L'influence italienne est évidente sur l'une comme sur l'autre. Ainsi, pour les Loges, a-t-on pu évoquer les réalisations de Bramante au Vatican.
Blois atteint alors un certain équilibre, que ne modifient ni les quelques transformations des derniers Valois ni les travaux plus importants entamés sur les ordres d'Henri IV. La royauté s'était éloignée de la Loire, et si Marie de Médicis réside au château, c'est parce qu'elle a été exilée de Paris (1617-1619). Il faut attendre le nouveau duc d'Orléans, Gaston, frère de Louis XIII, qui a reçu Blois en apanage et en fait sa résidence habituelle à partir de 1634, pour que débutent à nouveau de grands travaux. Gaston d'Orléans confie à un jeune architecte, François Mansart, la reconstruction totale du château, nécessitant la destruction de tous les bâtiments antérieurs. On commença par élever l'actuelle aile Gaston d'Orléans (1635-1638), qui resta cependant en partie inachevée (planchers, escaliers), lorsque tout fut interrompu. Le château avait alors acquis à peu près sa physionomie définitive, un quadrilatère irrégulier formé de trois ailes homogènes, mais de styles différents, et d'une quatrième encore plus hétéroclite, les constructions de Louis XII, terminées par la chapelle, y rejoignant celles de Gaston d'Orléans. Il connaît, après la mort de celui-ci, une longue période de déclin, puis d'abandon : cloisonnement des intérieurs, bûchage des ornements royaux à la Révolution, délabrement par manque d'entretien, transformation en caserne. Acquis par la municipalité, il retrouve tout son éclat grâce à son classement et aux travaux qui s'ensuivent. Ceux-ci, dus à l'architecte Félix Duban, en font un monument caractéristique du xixe siècle, à tel point que les actuelles restaurations visent le plus souvent à préserver les réalisations de Duban (1843-1870), et non à retrouver un hypothétique état antérieur que rien ne permet de connaître avec certitude. On lui doit ainsi le sauvetage et la restauration du gros œuvre et des façades, et la restitution de l'essentiel du décor sculpté extérieur. S'y ajoute la distribution des intérieurs, ainsi que le riche décor polychrome, visant à évoquer la demeure royale de la Renaissance, complètement inventé mais, comme d'ailleurs le reste des interventions de Duban, dans un réel souci de véracité ou de vraisemblance, appuyé par de méthodiques recherches documentaires ou archéologiques. Les éléments sculptés remplacés sous ses ordres ont d'ailleurs été conservés et forment aujourd'hui un « musée de l'œuvre » présenté sur place, qui permet de comprendre les restaurations et d'apprécier leur fidélité sinon totalement à la lettre, du moins à l'esprit d'origine. On s'est essentiellement consacré, depuis Duban, à préserver l'état général, et à mettre en valeur le bâtiment, les seules interventions notables ayant été, dans l'aile Gaston d'Orléans, celles de son assistant, Jules de la Morandière pour la salle des fêtes avec décor néo-Louis XIII-Louis XIV (1875), puis d'Anatole de Baudot pour la bibliothèque (1890-1900). En s'inspirant de l'escalier du château de Maisons, également de Mansart, l'architecte Goubert, en 1932, y réalisa enfin le grand escalier attendu depuis trois cents ans.
Le château de Blois, qui est aussi un château-musée (on notera, dans l'aile Louis XII, la reconstitution d'un musée des Beaux-Arts, formé à partir des collections municipales et restitué dans son état originel du xixe siècle) et l'un des monuments de France les plus visités, est ainsi le fruit d'une histoire complexe. Qu'il ait, par-delà la diversité des styles qui le composent, une unité certaine, est bien la marque d'un véritable génie du lieu.
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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